Les privilèges de l'inventeur dépendant.
Tous les inventeurs sont égaux devant la loi, mais il y en a qui sont plus égaux que d'autres. C'est notamment le cas de l'inventeur dépendant. Il planche sur les mêmes sujets à longueur d'année et touche régulièrement un salaire confortable, ce qui le libère du souci du lendemain. Il est entouré d'une équipe qui lui dispense une critique permanente, évitant ainsi de dangereux dérapages. Il est assisté de spécialistes en propriété industrielle, qu'ils viennent de l'extérieur ou appartiennent à l'entreprise. Ceux-ci sont familiers du domaine, en connaissent les documents marquants et disposent de collections de brevets et de dossiers très complets; ils suivent quotidiennement la publication des nouveaux brevets et/ou demandes.
L'inventeur dépendant côtoie des scientifiques actifs dans le même domaine que lui, fréquente des congrès, épluche les revues scientifiques et techniques. Il connaît les lignes de forces de la recherche et du développement (R&D) et, avec un peu de nez, peut même anticiper le dépôt de telle ou telle demande de brevet, sans en connaître les revendications précises, bien entendu.
Les frais de dépôt, les taxes et les annuités sont pris en charge par l'entreprise. Suivant les termes de son contrat de travail, l'inventeur dépendant peut toucher une prime ; il est tenu compte de ses inventions dans l'évaluation de ses performances. Il est évident que, dans la règle, il ne sera mentionné que comme inventeur et non pas comme titulaire. Cette contrepartie est importante, mais justifiée ; une situation inverse entraînerait rapidement la fin de l'entreprise.
L'objectif final d'une entreprise qui entretient une équipe R&D n'est pas de déposer des brevets, mais bien de consolider sa position sur un marché. Ainsi, l'éternel problème de l'indépendant qui s'escrime à faire fabriquer, distribuer et vendre le fruit (empoisonné ?) de sa créativité ne se pose même pas à l'inventeur dépendant !
Déposer un brevet, pourquoi ?
Vous avez une idée géniale et vous hésitez à déposer une demande de brevet. Alors, asseyez-vous confortablement, prenez votre tête dans vos mains et posez-vous les questions suivantes :
- mon idée résout-elle un problème technique par des moyens techniques ?
- est-elle utilisable industriellement ?
- est-elle nouvelle (recherche d'antériorité) ?
- ai-je l'intention de l'exploiter commercialement ?
- comment et où vais-je fabriquer et vendre mon produit ?
- quel en sera le prix de revient ?
- à quel prix puis-je le vendre ?
- y a-t-il un marché pour mon produit ?
- y a-t-il des produits concurrents et à quel prix ?
En cas de doute, prenez l'avis d'une personne compétente, un membre du comité de AS-IRO par exemple, qui peut vous assister en toute objectivité et discrétion. Méfiez-vous de vos amis dont le jugement est biaisé par la crainte de vous décevoir.
Si vous arrivez à la conclusion que vous avez de bonnes raisons de protéger votre invention et de déposer une demande de brevet, rasseyez-vous et poursuivez votre réflexion :
- mon produit doit-il vraiment être protégé pour être vendu ?
- un modèle (ou design) ne me conférerait-il pas une protection suffisante ?
- dans quels pays faut-il vendre mon produit et protéger mon produit ?
- ai-je les moyens de traîner un éventuel contrefacteur en justice, en Suisse ou à l'étranger ?
Vous ne pourrez certainement pas répondre seul à l'ensemble de ces questions; l'avis d'un professionnel vous évitera de coûteux désagréments.
Pourquoi pas un business plan ?
Le business plan, ou plan d'affaires, constitue le document clé de toute recherche de financement ou de partenaires. Il vous confortera ou vous dissuadera de vous lancer dans une opération hasardeuse. Pour atteindre son objectif, il doit être attractif, concis, explicite et réaliste. Il doit répondre à toutes les questions importantes que l'on est en droit de se poser. Il comprendra notamment :
- une description du procédé/dispositif, eventuellement le texte de la demande (si votre idée n'est pas encore protégée, faites signer un accord de confidentialité à vos interlocuteurs)
- les résultats de la recherche d'antériorité
- une présentation du titulaire et de l'inventeur
- une description des produits concurrents avec liste de prix
- une étude de marché, même sommaire
- un aperçu de votre vision stratégique : production, distribution, vente
- un dossier financier mentionnant prix de revient et de vente, chiffre d'affaires visé, investissements, budget prévisionnel, financement.
L'établissement de ce document vous prendra beaucoup de temps mais ne vous coûtera pratiquement rien. Il pourra vous éviter de cruelles désillusions.
Le meilleur business plan ne palliera pas les faiblesses d'une invention, et inversement !
Dominique Noir, ingénieur - conseil
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