_ No 14 - printemps 2003 Print

Un tissu électronique qui palpite comme une peau

La peau, le plus vaste organe de notre corps, assume des fonctions vitales. Sa surface truffée de récepteurs, réagit aux moindres signaux du monde extérieur. Elle adapte continuellement sa morphologie, sa perméabilité et sa température aux exigences du corps, et se cicatrise automatiquement après chaque agression.

Le prototype BioWall développé à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne marque une étape vers la réalisation de tissus électroniques bio-inspirés intelligents et capables d'évoluer, de s'autoréparer, de s'autorépliquer et d'apprendre. Sous sa forme actuelle, la paroi BioWall permet de conjuguer les possibilités qu'offre la technologie informatique la plus en pointe, au geste humain le plus instinctif: le toucher. Pouvant répondre à mille usages variés, elle facilitera le dialogue avec l'ordinateur partout où l'automatisation aura permis de supprimer l'intervention fastidieuse d'un intermédiaire humain : aux guichets de la banque ou de la poste, dans les distributeurs de tickets, de boissons ou d'essence, ou dans les cabines téléphoniques. Elle annonce aussi, dans les bureaux ou les écoles, le tableau noir sans craie.

Dans une version plus souple à venir, le tissu BioWall préfigure le vêtement interactif de demain, capable, telle la peau d'un caméléon, d'adapter son apparence à l'environnement. Enfin, réduit aux dimensions microscopiques de la puce de silicium, le tissu électronique autoréparable, d'une extrême robustesse, se répandra partout où la fiabilité doit régner en maîtresse absolue; aux confins de l'espace.

Il sera l'outil indispensable aux sondes automatiques

Et tandis que se développera l'électronique moléculaire (dont les circuits infiniment ténus seront fabriqués à l'échelle des atomes), il permettra des dispositifs toujours parfaits même si leurs composants sont momentanément, ou durablement, imparfaits.

Le prototype BioWall réalisé aujourd'hui est une mosaïque de plus de trois mille modules électroniques transparents. Voyons-les comme des molécules artificielles.  Chacune d'elles permet au visiteur de communiquer avec la paroi, par une simple caresse du doigt, calcule son nouvel état et le traduit aussitôt par un affichage lumineux. Cette extraordinaire aptitude est démontrée par plusieurs applications, telle que BioWatch, une horloge géante auto-réparable inspirée des organismes biologiques multicellulaires, et dans une multitude d'implémentations d'automates cellulaires interactifs   allant du simple "Jeu de la vie", via les boucles autoréplicatives, jusqu'à l'incroyable et complexe "Constructeur universel" conçu par John von Neumann.

Grâce à la possibilité de changer complètement sa structure et sa fonctionnalité, le BioWall est aussi une plate-forme idéale pour les machines bio-inspirées. Cette capacité est illustrée dans des applications inspirées par le processus de la sélection darwinienne, où des populations d'insectes électroniques (tels que fourmis ou lucioles) évoluent pour solutionner des problèmes donnés, et par le mécanisme d'apprentissage grâce à l'implémentation de réseaux de neurones artificiels.