Pour la poignée de scientifiques qui scrutent l'an 2035, notre Planète ne risque pas l'implosion physique. La singularité, dans ce cas, devient une métaphore destinée à décrire une cassure radicale dans l'utilisation de nos techniques, découlant d'une convergence accélérée de l'informatique, de la biotechnologie et de la nanotechnologie.
En 1965 déjà, Moore constatait que, sur une puce électronique, le nombre des composants doublait tous les 18 à 24 mois. Le trafic sur Internet double tous les six mois, tandis que, selon Monsanto, la quantité d'information génétique double tous les 12 à 24 mois.
Le moteur des développements d'Internet et de la bioinformatique reste le transistor. Celui-ci, toujours implémenté selon la traditionnelle recette au silicium, atteindra les limites ultimes de la miniaturisation, celles de la structure atomique, dans une à deux décennies.
Pour préparer sa descendance, trois approches, qui plongent toutes dans les profondeurs de la matière 4, sont actuellement en chantier:
- L'électronique moléculaire; la fonction de base du transistor, un interrupteur, est assurée par l'interaction de quelques molécules, des nanotubes de carbone par exemple.
- Les nanomachines; de minuscules rotors, toujours à l'échelle moléculaire, vont manipuler les électrons pour effectuer les opérations logiques de base.
- L'ordinateur quantique; c'est la forme ultime du calcul parallèle, basé sur les propriétés de superposition de la physique quantique.
Quand le transistor se réduira à une simple molécule, des millions de processeurs pourront coexister sur une seule puce. Mais l'imperfection naturelle du milieu chimique imposera un nouveau défi: obtenir un comportement global irréprochable à partir de milliards de composants imparfaits. A l'image des organismes vivants, des systèmes sophistiqués de détection d'erreurs, de correction automatique et de reconfiguration feront partie intégrante du nouveau média.
Par ailleurs, l'extrême complexité chimique d'un seul composant imposera une autre propriété omniprésente dans le monde vivant: l'auto-assemblage des briques de base, atomes et molécules, pour constituer les organismes artificiels désirés.
Ceux-ci devront être capables de s'autorépliquer à leur tour.
Le cerveau du moustique, une tête d'épingle, contrôle à la perfection tous les comportements de son hôte: navigation dans un monde complexe, capacités de vision et d'odorat, aptitudes à s'accoupler et à se nourrir, en bref, toutes les fonctions nécessaires à la survie de l'individu et de l'espèce. Pour dépasser la singularité de 2035, l'ingénieur se nourrira de la bio-inspiration. De l'ennemi à abattre, le moustique deviendra le modèle à suivre.
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