_ No 15 - printemps 2004 Print

Cannabis

L'agriculture n'aime pas l'innovation. La culture du chanvre a pourtant des racines traditionnelles en Suisse. André Fürst, patron de Chanvre-Info est dans ce marché depuis plus de 7 ans déjà. Malgré les tracasseries et les difficultés il persiste. De quelle couleur est son combat ?

Pour découvrir la ferme du château de Prehl, sur les hauts de Morat, à 500 m de la N1, le plus simple est de visiter le site www.chanvre-info.ch. Fondée en 1997, la société Chanvre-Info fait régulièrement de la promotion par annonces et participe à des salons de la santé comme Mednat. L'intérêt pour la culture de cette plante est grand. Certains agriculteurs pensent sauver leur exploitation mais se voilent la face quand on leur parle du marché parallèle pour les effets psychotropes. Selon la Police fédérale, plus de 600 hectares sont dédiés à cette plante pour une valeur d'un milliard de francs. La culture du chanvre est plus intéressante que celle du maïs. Pas de traitement chimique ni d'engrais. Dans un sol pauvre le rendement est de 1'200 kg de graines à l'hectare (production d'huile p.ex.). Naturellement, le marché des loisirs pose problème. La teneur en THC autorisée est de 0,3%. Ce choix de l'Office fédéral de l'agriculture n'est basé sur aucun résultat scientifique.

Régulièrement, André Fürst est inquiété par la justice fribourgeoise mais il persiste. Pour lui, l'argument de la consommation du chanvre comme drogue est un alibi pour tuer la recherche. La Confédération, par divers canaux, dépense des millions pour soi-disant lutter contre le tabagisme mais s'arrange pour que 300 cultivateurs de tabac se partagent plus de 20 millions de bonus. Les 150 paysans qui sèment du chanvre reçoivent des paiements directs et une administration coûteuse est sensée contrôler ce marché. Pour Chanvre-Info, c'est un système hypocrite et André Fürst fait les frais de cette politique en étant clair dans ses intentions. Il faut accepter la plante dans sa totalité avec ses 420 substances médicinales.

Avant la question de la consommation, il faut régler la question de la culture.

"A Prehl, je cherche, développe, expérimente. J'assure l'information et je nourris un vrai débat. Mon domaine est ouvert. Pendant l'expo 02, plus de 25'000 visiteurs sont venus à la ferme. Quand la justice veut un bouc émissaire, elle vient chez moi. C'est étrange." déclare André Fürst. Il accepte le débat sur la drogue et relève que les effets négatifs du tabac et de l'alcool sont bien connus et les producteurs sont pourtant assistés. "Pour le chanvre, les aspects médicaux sont occultés et c'est par pur intérêt financier. Un médicament fait avec du chanvre naturel revient à 60 ct. le gramme. Les industries pharmaceutiques font du THC de synthèse pour des médicaments vendus 1000 fois plus chers. Cherchez à qui profite l'interdiction du chanvre ?"

Dans le chanvre tout est bon (voir tableau page 18) et les produits dérivés peuvent couvrir des besoins inattendus y compris dans l'industrie. Par moulage sous pression, il est possible de fabriquer un matériau proche du plastique. En Allemagne, la capacité de recyclage decertaines voitures a été améliorée grâce à des panneaux et des revêtements à base de chanvre (20 kg par véhicules). Curieux: avec les feuilles, il est possible de préparer un tabac sans nicotine.

"Le débat est devenu politique. Nos élus sont-ils objectifs ? La consommation de drogue est un réel problème mais alors il faut être plus clair. Certains milieux agricoles sont aidés pour produire tabac et alcool ; l'industrie pharmaceutique charge les coûts de la santé mais l'étude d'une voie plus naturelle est interdite. Chanvre-Info s'attaque à ces monopoles. Tous les produits de loisirs devraient être à la même enseigne. Être plus sévère avec les jeunes consommateurs mais faire confiance aux adultes. Le débat actuel, marche avant, marche arrière est trouble. Il faut casser le business des trafiquants avec une vision claire." Le langage d'André Fürst est net. L'homme est honnête et convainquant. Pendant les deux heures de visite, il ne m'a offert que du café.

Narcisse Niclass