_ No 17 - printemps 2006 Print

La formation... un placement ?

Les coûts de la formation viennent juste derrière les coûts de la prévoyance sociale. Investir plus dans la formation ne serait-il pas une bonne piste pour faire baisser les charges sociales ? Malheureusement, les budgets des collectivités se font par additions et discussions de marchands de tapis. Je tiens cette information d’un haut fonctionnaire fédéral, responsable du budget. Il y a 25 ans déjà, il souhaitait travailler sur objectif avec des orientations à long terme. Il n’a pas rencontré de volonté politique.

Entretien avec Louis Singy, président de la COFFA

La COFFA existe depuis plus de 10 ans, est-elle un élément actif de la formation continue dans le canton?

Non pas vraiment. Fribourg dispose d’une loi sur la formation continue mais la COFFA n’a pas eu les relais politiques utiles à la mise en place d’une stratégie globale de la formation continue dans notre canton. C’est dommage car la diversité de nos membres est certainement un enrichissement pour l’offre dans notre canton.

A quoi est dû ce constat un peu réducteur ?

D’une part nos écoles officielles sont bonnes, voire excellentes. Les besoins de formation continue sont perçus un peu comme un luxe, du superflu. Ou alors, quand un besoin est patent, la collaboration avec le privé est difficile. Je prends comme exemple l’école d’informatique SOFT qui a fêté 20 ans d’existence au printemps 2005, et qui est morte à fin juin 2005. Où vont aller les personnes qui avaient un tel besoin de formation?

N’est-ce pas la faute à notre système fédéral trop éclaté ?

Certainement qu’il faudrait avoir une approche plus large mais pour faire avancer les choses, il faut une commission, une sous-commission, des réunions, des rapports. Les patrons de petites écoles ont rarement le temps de participer à des séances. Nous, les formateurs, on s’appuie sur l’Etat et après c’est difficile de trouver d’autres voies.

Est-ce que la faible mobilité des étudiants n’est pas aussi un handicap ?

Certainement. A l’heure d’Internet et du e-learning, des solutions nouvelles existent mais il n’y a pas de volonté de changer de mentalité. Encore une fois, ce ne sont pas les administrations qui vont apporter des nouveautés. La machine étatique fonctionne assez bien. Qui aurait intérêt à modifier le ronron actuel? Les élèves pourraient se prendre plus en main et ne pas prendre les cours offerts par le chômage comme un dû.

Quelle serait la solution pour tirer un meilleur parti des moyens disponibles ?

Il faut plus de souplesse et anticiper afin de ne pas être toujours en réaction. C’est typique avec le chômage. En Suisse on fait rouler des milliards avec les chômeurs mais il n’y a pas de vision pour éviter le chômage. Si on investissait dans la formation d’adultes, il y aurait peut-être plus de Logitec, de Kudelski, de Bobst ou de Swatch.

Je souhaite que le forum de notre site accueille des réflexions pointues et utiles. Que des suggestions, des idées pertinentes soient faites!

Stimulez vos neurones !

...était le thème du Festival de la Formation 05.

Les travailleurs du savoir

Pendant 10 jours, la formation des adultes a été mise en valeur avec le Festival de la formation. Des expériences particulières ont été tentées en Romandie et des conclusions intéressantes ont été dégagées :

Les expériences inhabituelles font peur. Exemple, le projet du Grand-Livre de la formation. Les forums classiques, même avec des intervenants de choix, ne font plus recette. Les manifestations très spécialisées n’attirent que quelques spécialistes. Pour déplacer les médias, il faut vraiment créer l’événement : objectif réussi à Fribourg mais raté à Lausanne. Le meilleur outil de promotion est l’activation de réseaux. Pour motiver 300 participants, il faut une vedette, des politiciens, un modérateur de renom et un thème grand public. Vous percerez le mystère de ces quelques lignes d’introduction en visitant la partie Festival sur le site www.coffa.ch


La formation des adultes

En relançant continûment la sarabande, le monde politiquement correct, aidé en cela par celui de la bien pensance, donne surtout l’impression qu’il a tout compris. Il faut encourager ces ignares à se former continûment. Si nous, politiciens de bas de gamme nous ne le faisons pas qui le fera? Même engoncés dans notre inculture nous nous devons de donner la leçon. Evidemment qu’en ce qui nous concerne, il est inutile de nous former car même si nous le voulions nous ne le pourrions, nos neurones et nos synapses sont totalement incapables d’ingérer quoi que ce soit.

Un discours qui n’est pas porteur. Les adultes qui veulent se former n’ont pas besoin des conseils de ces individus. Enfin, il existe trois catégories de chercheurs en formation: ceux qui se forment pour apprendre, ceux qui se forment pour rester dans la course et ceux qui se forment, conscients que l’on acquiert le savoir tout au long de sa vie.

Mépris et incapacité

Dans les entreprises trop souvent on incite les gens à se former mais pourquoi? Certains dirigeants de grandes entreprises, grandes banques ou grandes assurances incitent les gens à se former, mais c’est un prétexte. Bien que les employés soient compétents, ils sont quasiment toujours inadaptés, trop chers, insuffisamment formés ou peu souples. Ces sinistres cadres ne tiennent pas compte de ces efforts puisqu’ils décident du sort de milliers de personnes, uniquement à l’aune de la rentabilité et des dividendes. La liste est longue de ces dirigeants de Bally, Swissair, ABB, Suva, Enron, Rentenanstalt,... des financiers qui après avoir vidé les entreprises de leur substantifique moelle sont partis sous des horizons plus chauds.

Ce que ces individus feignent de ne pas comprendre c’est que des gens bien formés sont plus utiles à une entreprise que des dirigeants obsédés par les bénéfices, à tout le moins pour assurer la pérennité d’une entreprise, si grande qu’elle soit. Et que serait par exemple Novartis uniquement avec son PDG?

La reconnaissance est indispensable

Encourager les gens à se former c’est bien, encore faut-il qu’ils y trouvent aussi une motivation et un encouragement. Une situation qui, dans les PME, se pose selon un axe différent. Les responsables de PME savent que sans des collaborateurs bien formés leur entreprise est difficilement viable. Il en va de même pour une entreprise qui n’a pas des collaborateurs stables. C’est un signe de mauvaise ambiance. Changer trop souvent le personnel c’est aussi la mémoire de l’entreprise qui se délite.

Enfin, il faut encourager les gens qui disposent de peu de moyens car les chiffres sont formels, moins les gens sont formés, moins ils se forment. Alors pourquoi par exemple ne pas constituer un fond qui serait partiellement alimenté par les entreprises plus fortes financièrement, pour aider les gens à se former?

Quoique que l’on fasse, on se lasse de tout, sauf d’apprendre. Les hommes qui voudront se former le feront coûte que coûte.

Et comme le chantait Jean Gabin: «Je sais qu’on ne sait jamais, mais ça je le sais».

André Sprenger