Formation, éducation et mondialisation.
Pour comprendre ce à quoi les systèmes éducatifs sont confrontés aujourd’hui, il s’agit de les observer dans le contexte des transformations globales auxquelles les soumet la logique de la mondialisation. Car loin de n’être qu’un tournant parmi d’autres, la mutation actuelle entraîne une modification fondamentale de l’école, de sa nature, de son rôle.
L’histoire nous montre que tout système éducatif s’est toujours articulé selon des critères et des objectifs émanant des forces sociales dominantes du moment.
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Celles-ci n’ont cessé de vouloir imposer une conception du savoir susceptible de justifier, de renforcer, puis de pérenniser leur position privilégiée. Elles y sont généralement parvenues. Aristocratie sénatoriale romaine, alliance du Trône et de l’Autel, ploutocratie issue de la Révolution industrielle: la logique de toute société a toujours tendu vers l’oligarchie, c’est-à-dire un régime dans lequel une minorité accapare l’essentiel des ressources grâce à l’activité résignée de la majorité. Garantir cette résignation passe par l’endoctrinement des foules (médias) et le conditionnement de la jeunesse (éducation).
Aujourd’hui, ce sont les oligarchies industrielles et financières multinationales héritières du capitalisme du XIXe siècle qui constituent les forces dominantes. Les structures éducatives qu’elles s’attellent à mettre en place un peu partout et elles sont en train de réussir sont l’aboutissement d’une volonté de soumission de l’école aux intérêts du capitalisme ultralibéral dont le modèle est le monde des affaires américain né de la guerre de Sécession (1861-65). Les lobbies actuels (ERT, TABD) appliquent les principes voulus par John D. Rockefeller, Andrew Carnegie et d’autres au tournant du XXe siècle: établissement d’un marché global, principe directeur de l’ensemble du réel et source de profits croissants pour l’oligarchie ; effacement de la mission première de l’école enseigner un savoir, éduquer, transmettre un héritage à laquelle est substituée une formation préprofessionnelle. C’est le culte de l’utile, visant à l’employabilité, le rejet de la culture et du patrimoine national (faire table rase du passé permet le déracinement et donc la flexibilité des travailleurs, tout en étouffant l’esprit critique), l’élitisme fondé sur l’argent (il faut de l’aisance matérielle ou s’endetter pour accéder aux grandes universités et aux grandes écoles américanisées), «l’apprentissage tout au long de la vie», formule creuse qui signifie qu’il sera désormais impossible de gagner une expérience dans quelque domaine que ce soit, afin que l’on soit flexible, c’est-à-dire à la merci des besoins des employeurs.
Cette logique triomphe actuellement et ce ne sont pas les foules «citoyennes» qui, élection après élection, vote après vote, renforcent encore le système (par ignorance, bêtise, conformisme ou indifférence) qui renverseront la tendance.
Michel Bugnon-Mordant, Professeur, géopolitologue.
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