D'Aristote... à Star Trek.
Les amateurs de la série Star Trek n’en reviennent pas. La téléportation était un terme réservé aux amateurs de science-fiction pour désigner un mode de transport de matière permettant de la convertir en énergie puis de la restituer après un parcours dans l’espace. Les scientifiques n’y parviennent pas encore, mais à défaut de matière, c’est sa structure qu’ils savent téléporter.
C’est dans les années trente qu’Albert Einstein, voulant prouver que la mécanique quantique était incomplète, en déduisit que théoriquement, deux objets quantiques peuvent rester unis par un lien immatériel, même à de très grandes distances. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard qu’une équipe de physiciens réussit à démontrer cet étonnant phénomène.
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La propriété induisant la téléportation est appelée «intrication» (du latin intricare, embrouiller); voici comment elle se manifeste: deux photons émis par une même source et dont les polarisations sont opposées, forment une paire de particules. Si l’on mesure la polarisation de l’une, l’autre réagira à cette mesure, même si elle se trouve à l’autre bout de la Voie lactée! L’intrication est une sorte de canal de transmission invisible pouvant se combiner à un canal de communication classique pour transmettre des états quantiques.
Mais par où l’information passe-t-elle ?
Par nulle part, nous disent les physiciens, du moins pas dans l’espace que nous connaissons. Ils nous rassurent toutefois: la téléportation quantique ne dépasse pas la vitesse de la lumière! Et, comme dans l’infiniment petit toute mesure effectuée n’est pas innocente, l’état du système s’en trouve modifié, détruisant l’état quantique qui a été téléporté. Autre propriété remarquable, l’intrication serait déterministe, car on obtient toujours le même résultat, alors que la physique de l’infiniment petit fait la part belle au hasard et aux probabilités.
Les premières expériences de téléportation ont été réalisées en 1997 avec des photons, en envoyant une impulsion laser dans un cristal aux propriétés optiques non linéaires. En 2004, des chercheurs autrichiens et américains réalisèrent la téléportation avec des ions de calcium et de béryllium, c’est-à-dire avec des particules ayant une masse, ce qui n’est pas le cas du photon. Ces expériences ouvrent la voie à la réalisation de futurs ordinateurs quantiques ainsi qu’au développement de l’informatique quantique et, plus particulièrement, de la cryptographie quantique.
Une fois de plus, l’expérience a montré que la réalité répond parfaitement aux prédictions de la physique quantique. II ne faut donc pas assimiler l’intrication à une intrigue, qui est une oeuvre de fiction. Elle est bien réelle, comme Einstein l’avait prévu. Sans oublier Aristote qui, il y a 24 siècles, distinguait déjà parfaitement la substance de la forme.
La Revue Polytechnique
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