La part des Etats Unis dans la
pollution planétaire
Les Etats-Unis sont renommés pour leur culte du gigantisme: tours
babelliennes, records en tout ou presque, armée surdimensionnée,
multinationales géantes, mégalomanie nationaliste, entre autres.
Caractéristique reconnue des civilisations décadentes, la tentation
de l'enflure en fascine beaucoup dans notre monde superficiel et
«déjanté».
En matière de pollution aussi, la première tyrannie planétaire de
l'Histoire mérite la palme. Représentant 4 % environ de la population
mondiale, les Etats-Unis sont responsables de plus de 25 % de la
dégradation de l'environnement. La collusion entre les milieux
polluants (industrie, défenseurs du tout-voiture) et la classe
politique est d'autant moins à démontrer qu'ils se confondent. Rien
de surprenant à cela puisque le cynisme égoïste est inscrit dans les
plus anciens écrits de la «démocratie» américaine. Dès le début du
XVIIe siècle, les Puritains qui peuplèrent le nord du continent
considéraient qu'étant meilleurs, car plus agréables à Dieu que les
autres, ils avaient le droit de se comporter différemment.
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Ce que Deborah L. Madsen appelle
«l'exceptionnalisme américain» est censé justifier tous les
débordements qu'un peuple «modèle» est susceptible d'infliger aux
autres peuples, lesquels lui sont, par volonté divine, inférieurs.
La plus éclatante expression de ce cynisme égoïste revient au
diplomate George Kennan, qui, à la fin des années 1940, posait
clairement que les Etats-Unis accaparaient et consommaient, par
rapport au total de leurs habitants, une part disproportionnée de la
richesse mondiale, mais qu'il n'était pas question de changer quoi
que ce soit. Au contraire, établit-il, «notre tâche principale, dans
les années à venir, est de mettre en place un système de relations
internationales qui nous permette de maintenir ce déséquilibre».
Accaparement et consommation se traduisent aujourd'hui en termes
de dégâts irréversibles causés à l'environnement. Depuis le triomphe,
chez eux, du capitalisme sauvage, dans la seconde moitié du XIXe
siècle, les Etats-Unis n'ont cessé d'encourager la surproduction qui
aboutit au gaspillage gigantesque des ressources que l'on constate
tous les jours, à l'épuisement des matières premières, au mythe de la
croissance accélérée dans une course incessante au profit et au
mieux-être matériel. L'affirmation de George Bush, il y a quelques
années, selon laquelle les Américains n'avaient aucunement
l'intention d'assainir leur mode de vie et que c'était aux autres de
faire des efforts, s'inscrit dans une logique qu'aucun argument de
bonne foi ne parviendra jamais à infléchir.
Qui a oublié Eisenhower disant: «Consommez, n'importe quoi, mais
consommez!»
Face aux conséquences d'un productivisme plus que centenaire dont
on sait que s'il s'étend un jour à l'ensemble des pays en «voie de
développement» ou des pays émergents tels que la Chine et l'Inde, les
ressources de cinq planètes comme la Terre n'y suffiront pas. Déjà
des voix s'élèvent, autorisées et sages, qui prônent une exigeante,
frustrante mais indispensable décroissance. Sauf si nous voulons
consommer un suicide de la race humaine déjà bien engagé.
Michel Bugnon-Mordant - Professeur,
géopolitologue
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