Peut-on encore sauver la Terre
?
Le GIEC, groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du
climat, a donc confirmé dans son quatrième rapport ce qu'une majorité
de climatologues annonçaient depuis plus de vingt-cinq ans. Les
chiffres le montrent désormais sans ambiguïté: la tendance au
réchauffement est indiscutable, la fonte de la banquise et des
glaciers inévitable, l'impact sur le niveau des océans ne fait plus
de doute, avec pour corollaire le déplacement futur de centaines de
millions de personnes.
Pour convaincre les derniers sceptiques de la fiabilité des
prévisions, le scientifique allemand Stefan Rahmstorf, de l'Institut
de recherche sur l'impact du climat de Potsdam, a comparé les données
climatiques observées depuis 1990 avec les projections du GIEC. Les
résultats sont édifiants. Si l'augmentation de la conception de CO2
dans l'atmosphère a été conforme aux attentes, le GIEC avait
sous-estimé de 65 % la hausse du niveau des mers.
|
|
Mais il y a plus grave. Selon certains
scientifiques, au-delà d'un certain seuil, le système climatique
pourrait s'emballer, en raison de la saturation des océans en gaz
carbonique, du dégel qui va supprimer des milliers de kilomètres
carrés de surfaces blanches réfléchissant les rayons du soleil, de la
fonte du permafrost et de la disparition de milliers d'espèces,
entraînant un déséquilibre des écosystèmes.
Il est alors légitime de se poser la question: peut-on encore
sauver la Terre ? Au vu de ce qui précède, du peu d'empressement des
gouvernements occidentaux à prendre des mesures d'urgence - la Suisse
ne va-t-elle pas construire des centrales à gaz ? - et de la
croissance débridée de pays comme la Chine, l'Inde, le Mexique, le
Brésil ou l'Indonésie, il est permis d'en douter.
-Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous
l'empruntons à nos enfants- écrivait Saint-Exupéry
Alors pourquoi une telle atonie ? Parce que nous avons tous ce que
j'appellerai un -horizon d'inquiétude-, c'est-à-dire la perspective
sur laquelle nous projetons nos angoisses. Cet horizon est de
quelques jours pour l'étudiant passant un examen, d'un mois pour
l'employé au salaire de misère, de deux ou trois ans pour le
politicien visant sa réélection, de quinze ou vingt ans pour qui se
soucie de l'avenir de ses enfants; il peut atteindre plusieurs
décennies pour l'aïeul préoccupé par le destin de sa descendance,
mais au-delà du siècle, il faut bien admettre que le quidam se moque
éperdument de ce qu'il adviendra des générations futures.
Pour sauver la Terre d'une sixième extinction des espèces, il
faudra la conjugaison de nouvelles découvertes scientifiques et de
progrès techniques, la volonté de concentrer notre énergie sur la
survie de la biosphère, une meilleure écoute des scientifiques, la
pression d'une population motivée sur les politiques et peut-être
quelques catastrophes imminentes desquelles on saura tirer les
leçons.
Michel Giannoni - Dr. ès sc. ing.
EPFL
|