_ No 19 - printemps 2008 Print

Peut-on encore sauver la Terre ?

Le GIEC, groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, a donc confirmé dans son quatrième rapport ce qu'une majorité de climatologues annonçaient depuis plus de vingt-cinq ans. Les chiffres le montrent désormais sans ambiguïté: la tendance au réchauffement est indiscutable, la fonte de la banquise et des glaciers inévitable, l'impact sur le niveau des océans ne fait plus de doute, avec pour corollaire le déplacement futur de centaines de millions de personnes.

Pour convaincre les derniers sceptiques de la fiabilité des prévisions, le scientifique allemand Stefan Rahmstorf, de l'Institut de recherche sur l'impact du climat de Potsdam, a comparé les données climatiques observées depuis 1990 avec les projections du GIEC. Les résultats sont édifiants. Si l'augmentation de la conception de CO2 dans l'atmosphère a été conforme aux attentes, le GIEC avait sous-estimé de 65 % la hausse du niveau des mers.

Mais il y a plus grave. Selon certains scientifiques, au-delà d'un certain seuil, le système climatique pourrait s'emballer, en raison de la saturation des océans en gaz carbonique, du dégel qui va supprimer des milliers de kilomètres carrés de surfaces blanches réfléchissant les rayons du soleil, de la fonte du permafrost et de la disparition de milliers d'espèces, entraînant un déséquilibre des écosystèmes.

Il est alors légitime de se poser la question: peut-on encore sauver la Terre ? Au vu de ce qui précède, du peu d'empressement des gouvernements occidentaux à prendre des mesures d'urgence - la Suisse ne va-t-elle pas construire des centrales à gaz ? - et de la croissance débridée de pays comme la Chine, l'Inde, le Mexique, le Brésil ou l'Indonésie, il est permis d'en douter.

-Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants- écrivait Saint-Exupéry

Alors pourquoi une telle atonie ? Parce que nous avons tous ce que j'appellerai un -horizon d'inquiétude-, c'est-à-dire la perspective sur laquelle nous projetons nos angoisses. Cet horizon est de quelques jours pour l'étudiant passant un examen, d'un mois pour l'employé au salaire de misère, de deux ou trois ans pour le politicien visant sa réélection, de quinze ou vingt ans pour qui se soucie de l'avenir de ses enfants; il peut atteindre plusieurs décennies pour l'aïeul préoccupé par le destin de sa descendance, mais au-delà du siècle, il faut bien admettre que le quidam se moque éperdument de ce qu'il adviendra des générations futures.

Pour sauver la Terre d'une sixième extinction des espèces, il faudra la conjugaison de nouvelles découvertes scientifiques et de progrès techniques, la volonté de concentrer notre énergie sur la survie de la biosphère, une meilleure écoute des scientifiques, la pression d'une population motivée sur les politiques et peut-être quelques catastrophes imminentes desquelles on saura tirer les leçons.

Michel Giannoni - Dr. ès sc. ing. EPFL