La nullité à l'honneur
La dernière affaire colossale, la déculottée des banques se chiffrant par la perte de milliards de francs, prouve et atteste une chose: nous sommes sous la coupe, sous la férule, ou plutôt, nous avons confié, ou pire, laissé les nuls s'emparer des pouvoirs et des leviers de la société.
Une analyse édifiante
Si l'on décortique un peu les différents secteurs qui composent notre société, le constat est dramatique. Dans l'économie, la majorité des entreprises - non pas des PME, parce que là heureusement, nous pouvons encore être optimistes - sont en mains de personnages dont la seule ambition est de se remplir l'escarcelle et celle des actionnaires en vidant les entreprises de leur substantifique moelle. La fibre sociale, artistique, sociétale, qui était dévolue aux entreprises, a presque complètement disparu. On ne crée plus de la valeur ajoutée mais du profit, rien que du profit et encore du profit. La majorité de la société ne voit pas la couleur des bénéfices colossaux qui servent uniquement à enrichir une poignée de financiers véreux et de capitalistes mafieux.
Dans la politique c'est encore pire. Il n'y a jamais eu autant d'impuissants, de psittacidés, de passifs, de nuls qu'aujourd'hui. Plus ils sont incompétents, plus ils ont des idées sur tout et n'importe quoi. Mais en réalité ce ne sont que des vues de l'esprit, des niaiseries, des abstractions sans fondement. Ils promettent également monts et merveilles alors que ce ne sont que tromperies, veuleries, abus, corruption et mensonges.
Plus grave encore est le fait qu'une frange importante de ces politiciens a également gangrené notre démocratie. In fine, une attitude normale à partir de l'instant où l'argent est roi.
Cette situation ne peut perdurer. Il faut mettre tous les moyens en œuvre afin d'empêcher cette majorité, qui détient des pouvoirs qu'elle ne mérite pas, de nuire, de troubler l'ordre et de semer la zizanie. Une attitude qui frise presque le retour de la démocratie censitaire.
S'y ajoutent encore les religions qui accaparent des droits, qui professent des dogmes sans aucune base solide mais qui permettent également à une poignée de personnages de manipuler et de diriger la majorité. Nous sombrons dans la théocratie.
Quelques exemples:
Remontons un peu dans le temps. La presse: un exemple édifiant lorsque l'on constate qu'un personnage a coupé au couteau, ou plutôt a massacré, des journaux qui s'appelaient La Gazette de Lausanne et Le Journal de Genève, des piliers mondiaux de l'information.
Puis il y eut la fois où des milliards ont disparu dans les réacteurs.
Et «Expo 02»: ce machin qui se noya dans les trois lacs et dont aujourd'hui encore personne ne sait combien cela a coûté. Mais peu importe, la directrice n'en est pas sortie chocolat.
Les CFF: une entreprise sérieuse, avec du personnel compétent. Des trains renommés qui furent phagocytés par des dirigeants qui ne savaient pas faire la différence entre un train et une diligence. Comme ils manquaient totalement de diligence ils n'écoutaient pas et ne voulaient pas écouter les conseils que leur proféraient les professionnels du chemin de fer ! Ce n'était pas grave puisqu'ils étaient de bons théoriciens. Avec des gens de cet acabit on vous coule une entreprise en deux temps coups de sifflet et une voie de garage.
Dans l'enseignement, la majorité des responsables cantonaux n'ont qu'une seule idée: proposer des nouveaux programmes. Ils n'ont pas le temps d'être expérimentés qu'ils sont déjà périmés. Enfin rappelons le dernier épisode UBS.
Mais sans être devin, il est certaines situations qui ont des relents de catastrophe: les nouvelles transversales ferroviaires, un véritable tombeau des Danaïdes; à Lausanne la centrale de destruction des déchets Tridel, une installation surdimensionnée et polluante, l'avenir le démontrera. Bref, tout cela n'a pas beaucoup d'importance puisque c'est le peuple qui paye et ce sont les nuls qui se marrent et se font un petit, voire un grand plaisir, avec leurs jouets.
Le peuple dort
A décharge de ces politiciens, il faut reconnaître que la majorité a été élue par une minorité de citoyens qui se laisse abuser, emberlificotée par les beaux discours. Une majorité de votants qui n'a aucun sens critique et surtout qui ne pense pas. Elle est lobotomisée par les médias en mains de scribouillards bas de gamme qui ont pour seule source d'information Internet et la presse people.
Autre secteur qui n'est pas éclairé par des lumières, celui de la formation, de l'enseignement. Mis à part l'EPFL à Lausanne, les autres institutions végètent. Mais là également, la majorité des Départements de l'instruction publique sont dirigés par des cafards et des politiciens qui n'ont qu'une seule vision: proposer des changements dans les programmes afin de faire croire qu'ils maîtrisent la situation alors qu'ils n'ont comme expérience que la leur, celle qu'ils ont acquise à l'école maternelle et encore, les jours de congé!
Dans l'art, la culture, c'est le désert, ce sont des coupes sombres à n'en plus finir sous le fallacieux prétexte que cela ne sert à rien. Or un pays qui abandonne sa culture est un triste pays et il est en bonne voie de désagrégation.
Les responsabilités
Il est incontestable que la mondialisation, la libéralisation et l'ultralibéralisme sont les pierres angulaires de ce pourrissement, de cette déréliction. A partir de l'instant où l'homme a perdu sa place, à partir du moment où seul le profit a été le seul critère de fonctionnement, la cause était entendue, relayée par les défenseurs de la pensée unique, de la bien-pensance.
Place aux nuls
Si l'on est arrivé à un tel stade de pourrissement c'est que l'on a accordé de plus en plus de place aux nuls et aux incompétents. Ils sont satisfaits de leurs actes. Ils en sont même boursouflés d'orgueil. Ce qui est normal puisqu'ils sont partout, dans tout, régentent tout. On les adule car de leur presque rien ils font croire qu'ils ont des dons dans presque tout. Les nuls ont également phagocyté l'information, ce qui leur permet de cultiver sans scrupule le tout-à-l'ego.
Parallèlement, la question de la circulation des élites est dépassée; périmées les incantations sur les oligarchies, les réseaux, les clubs où l'on devait encore prouver une certaine connaissance, une certaine expérience, une certaine formation. Le seul réseau d'entraide qui fonctionne est le circuit qui permet la promotion des nuls. Car le nul, aujourd'hui, ose. Son culot à toute épreuve est sa marque de fabrique. Actuellement, l'élite a de plus en plus la même couleur: le gris et le bleu anthracite. Une situation qui s'explique et se justifie puisque cette caste de moutons se formate aux mêmes moules et s'abreuve aux mêmes sources. Il n'y a qu'à observer la mode, elle confirme cette uniformisation de la nullité.
Malheureusement le nul est ambitieux. Son besoin de primer lui donne un caractère de satrape. Son appétit de puissance est tel qu'il finit par être la figure humaine qui se joue du darwinisme social et politique. Enfin, le nul s'accroche aux opinions dominantes comme un cloporte à son caillou.
Que faire?
Alors face à cette situation il n'est plus temps de baisser les bras. Il ne faut pas abandonner le navire à ces capitaines de pacotille. Il faut redresser la barre, reprendre force et vigueur et se remettre dans le sens du vent favorable. C'est l'optimisme, l'enthousiasme, le courage, l'abnégation qui doivent stimuler l'Homme de bonne volonté qui doit oser pousser son cri et refuser de se laisser brimer, manipuler, par les nuls. Ce qui compte avant tout, c'est l'être et non le paraître.
Notre pays, notre société, est composée d'une majorité de gens intelligents, compétents, dynamiques. Elle est peut-être un peu découragée, c'est compréhensif, mais ce n'est pas excusable. Notre société ne peut fonctionner que si elle fait preuve d'abnégation mais également de pugnacité, si elle est combative. Comme c'est la majorité qui détient les forces vitales et les forces vives, si elle reprend goût à l'action et qu'elle relève la tête, la société s'en sortira. L'histoire a prouvé que l'homme, même dans les plus graves situations, dispose de ressources colossales. Que s'il ose crier, hurler, contester, condamner, refuser de se soumettre, il est toujours vainqueur car il vaut mieux vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton.
Avril 2008 / André Sprenger Journaliste RP 1944 - 2008
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