La CEE (Communauté économique européenne), créée en 1957, qui devint en 1993 la CE (Communauté européenne), l'un des trois piliers de l'UE (Union européenne), fut fondée, entre autres, par un grand ennemi des nations européennes : Jean Monnet. A la base de son projet, une idée : construire, non pas l'Europe, mais le plus important satellite d'un empire transatlantique dirigé par les Etats-Unis. Pour ce faire, il fallait détruire les nations d'Europe en les intégrant dans un ensemble supranational au sein duquel disparaîtraient les spécificités proprement nationales : moeurs, traditions, souverainetés politiques, sentiment d'appartenance, identités héritées de l'Histoire. Tout en affirmant vouloir entraîner l'Europe vers une voie intermédiaire entre les deux grands (USA, URSS), il s'efforça d'appliquer, dans la mesure de ses possibilités et des appuis qu'il recevait, des objectifs proprement américains. N'a-t-il pas conçu les structures de la future Europe pendant ses constants séjours aux Etats-Unis, lui qui avait effectué l'essentiel de sa carrière dans les milieux financiers et juridiques américains ? Aujourd'hui, l'Union européenne, dirigée de facto par la Commission, organisme ni contrôlé ni élu par les citoyens, poursuit fidèlement la mission inaugurée par Monnet.
Si l'on comprend cela, on est en mesure de saisir les enjeux géopolitiques actuels, l'agriculture n'étant que l'un d'entre eux.
Du postulat de départ, décidé à la conférence de Stresa (1958), il ne reste rien. La sécurité alimentaire de l'Europe était alors la priorité, entraînant une politique de soutien des prix agricoles via des achats publics de denrées à tarifs minimum garantis et la constitution de stocks régulateurs, un système déjà appliqué dans la Chine des Song par l'empereur Ying-Tsong (1064-1067). La préférence communautaire, sous la forme des OCM (organisations communes de marchés), et le refus d'aligner les cours européens sur les cours mondiaux garantissaient l'efficacité de la politique agricole. C'était sans compter avec les fanatiques ultra libéraux, qui attendaient leur heure.
Celle-ci vint à partir des années 70.
Les excédents dégagés sur le marché mondial (céréales, lait) entraînèrent exode agricole et chômage. Début 80, la prêtresse ultra libérale Thatcher lance, lors des négociations du GATT à Punta del Este, une attaque en règle contre les institutions agricoles européennes. La dérégulation forcenée qui suivit conduisit à l'abandon des OCM et à la suppression criminelle de la préférence communautaire.
Les agriculteurs européens, de plus en plus subventionnés, y compris pour ne pas produire (découplage), se lancèrent dans la course à l'hectare.
L'abandon progressif de tout instrument de régulation des marchés aboutit à une instabilité chronique et à la crise alimentaire de 2007-2008. L'industrie agroalimentaire et la grande distribution, filles de l'ultra libéralisme et de la compétitivité érigée en absolu, mènent aujourd'hui l'agriculture européenne à sa perte.
L'Union européenne garantit, via ses textes et la Commission, l'orthodoxie économique ultra libérale de l'Europe.
Chassant le protectionnisme partout où il pourrait se trouver, non parce qu'il est mauvais pour les citoyens mais parce qu'il dessert les grands groupes et est considéré comme le mal absolu par les théoriciens ultra libéraux, l'Union européenne, via la Commission, a mis en place des structures qui, peu à peu, réduisent l'agriculture européenne et ses corollaires (souveraineté et sécurité alimentaires, paysannerie saine et active de petits et moyens propriétaires, variété et qualité des produits, garantie des productions de terroir selon des méthodes traditionnelles) au profit de géants agroalimentaires transnationaux. Pour parvenir à leurs fins, les technocrates européens dressent des obstacles efficaces, parmi lesquels la conformité des produits, des méthodes et des goûts à des normes internationales (ISO, etc.). |