Pour l'armée de scientifiques qui, tels des détectives, interrogent les couches géologiques, datent les fossiles, décodent le génome et reconstituent la filiation des espèces, l'enquête se poursuit et la lumière se fait peu à peu. Tous les indices convergent?: le premier organisme vivant, notre ancêtre commun unique, est apparu il y a trois milliards d'années, quelque part sur cette Terre. L'autoréplication – la capacité de générer un double de soi – distingue définitivement cet organisme du monde minéral?: il peut engendrer une descendance. Le mécanisme de réplication, imparfait, produit des copies altérées, légèrement différentes de l'original?: seules survivront, et se reproduiront à leur tour, celles qui sont adaptées à leur environnement. Le processus de l'évolution des espèces démarre.
Nous avons dès lors deux visions de la création?: d'un côté, l'acceptation sans réserve d'un texte sacré, une certitude absolue, un dogme?; de l'autre, une explication partielle, une théorie sans cesse changeante et revisitée, un doute lancinant. La méthode scientifique, cette quête patiente et laborieuse de la vérité, reste à ce jour le seul moyen de faire partager par toute la communauté des humains un même langage. L'analyse objective des faits, la description de leur enchaînement et de leur interaction sous la forme d'un modèle, la confrontation permanente de ce modèle à de nouveaux faits pour l'amender, l'affiner ou même l'abandonner, est l'outil irremplaçable de la science. Cette méthode peut aussi détecter la fraude?: le fantomatique Archaeoraptor, fossile capital qui devait constituer le chaînon manquant entre les dinosaures et les oiseaux, a été récemment démasqué... par des scientifiques(2).
En tant qu'ingénieur, je vis, je perçois et je fonctionne dans un monde physique, obéissant aux lois de la nature, recensées et codifiées par la science?: c'est un monde de raison, où les expériences acquises me permettent de survivre et, dans une modeste mesure, de façonner l'avenir. La réalité scientifique englobe la thèse de l'apparition de la vie, il y a trois milliards d'années, et de sa patiente évolution jusqu'à l'émergence de l'Homo sapiens sapiens. L'arbre généalogique des espèces nous relie à tous les organismes vivants, et nous fait pleinement participer à l'unité de la création. La moindre bactérie, la mousse la plus microscopique est notre cousine.
En tant qu'être humain, j'ai accès, au plus profond de mon cerveau, à des intuitions, à des visions, à des représentations subjectives du monde qui m'entoure. La foi reste pour moi cet acte privé, intime, qui me permet d'accéder à une autre vérité, celle du sens que je donne à l'Univers. Cet acte est indémontrable, il est au-delà de la science et de sa méthode. Mais il n'exclut, ni ne contredit le message scientifique.
La foi peut cohabiter avec la théorie de l'évolution?; Darwin n'a décidément pas tué Dieu.
1) P.-Y. Frei, A. Duplan / Six mille bougies pour une Terre biblique, L'Hebdo, 24 octobre 1996, pp. 90-93.
2) A. Vos / Ailes de poulet et cuisses de dinosaure, Le Temps, 3 avril 2001.
PLAN RAIL 2050
Plaidoyer pour la vitesse
Rail 2000, plébiscité en 1987, constitue le grand projet de rénovation du réseau ferroviaire suisse. Ce livre, fruit du travail d'un groupe de spécialistes, propose ici un nouvel objectif d'envergure?: intégrer enfin la Suisse dans le réseau européen à grande vitesse par deux corridors Ouest-Est et Nord-Sud, qui rapprocheront du même coup toutes les régions du pays.
Tandis qu'on perce dans l'orientation Nord-Sud deux tunnels de base sous les Alpes (Lötschberg et Gothard), le corridor Ouest-Est vieillit. Tous les projets sur cet axe, des années 1960 à ce jour, sont décrits dans cet ouvrage, de la France voisine au sud de l'Allemagne via Genève, Lausanne, Berne, Bâle, Zurich et Saint-Gall.
Trois étapes sont proposées pour bâtir le réseau ferroviaire de demain. La première, dénommée CADENCE, met en œuvre l'horaire rythmé à l'heure. La deuxième, FRÉQUENCE, vise à lancer un train chaque quart d'heure. Enfin la troisième, VITESSE, abrège le temps entre les métropoles. Dans le Plan Rail 2050, ces trois efforts se combinent en une véritable stratégie, qui prend en compte le trafic régional et unit la Suisse. Par la grande vitesse, trop longtemps négligée, on recrée d'excellentes communications avec les pays voisins.
Daniel Mange
Prof. d'informatique |