Un élevage de perches a vu le jour sur le lac de Neuchâtel. C'est une première mondiale. Olivier Müller, biologiste, et Jean-Blaise Perrenoud, pêcheur professionnel, sont à l'origine d'une idée originale : créer une ferme d'élevage de perches sur la fac de Neuchâtel, au large de Chez-le-Bart. La construction de la ferme s'est achevée au mois d'avril dernier, permettant le démarrage de la production il y a un mois. Les alevins de perche sont obtenus à Chavornay (Vaud), dans l'écloserie Percitech SA. Ils poursuivent ensuite leur croissance dans les eaux neuchâteloises où ils atteindront leur maturité après deux ans. La production d'alevins et le grossissement des perches en eau douce constituent une première mondiale. Alimentation spéciale. Olivier Müller, biologiste diplômé de l'Université de Lausanne et prix de Vigier 1993, réussit à créer, dès 1989, les conditions nécessaires à la survie et au développement des alevins de perches, permettant une production élevée. Ainsi, les initiateurs du projet fondent la société Percitech, avec le soutien du Groupement pour la promotion du capital-risque, et construisent l'écloserie de laquelle sortiront des millions d'alevins destinés aux futurs élevages. Au début de leur vie, les alevins ont besoin, pour se développer, de phyto- et de zoo-plancton. Dès qu'ils dépassent cinq grammes, ils sont transférés dans la ferme d'élevage Perlac, dans le canton de Neuchâtel, et nourris avec des aliments pour poisson spécialement préparés par Percitech. C'est après deux années d'engraissement que la première population arrivera à grandeur commerciale. Suivi scientifique sérieux. Entièrement nouvelle, la ferme d'élevage est en fait une plate-forme flottante souple à laquelle sont suspendues vingt-quatre cages permettant d'élever quatre populations de perches provenant de pontes échelonnées tous les deux mois environ. Vue de la rive, la ferme d'élevage n'a que très peu d'impact sur le paysage. La perche est le poisson le plus consommé en Suisse. Des filets que les consommateurs avalent chaque année, 90 % proviennent de l'étranger. La pêche professionnelle de la perche fluctue, depuis dix ans, de 400 à 1000 tonnes par an. En autorisant l'exploitation de la ferme, les autorités ont exigé qu'un suivi scientifique sérieux soit observé : surveillance de la qualité de l'eau (chimique, bactériologique et biologique) et de l'évolution du sédiment. Les mesures prises en vue de réduire au maximum toute source de pollution sont telles que la ferme est un modèle sur le plan écologique. Le projet, dans le canton de Neuchâtel, a été accompagné tout au long de son développement par N.TEC (service de la promotion économique endogène). Olivier Müller et Jean-Blaise Perrenoud se plaisent à relever l'excellence de la collaboration avec les services de l'Etat de Neuchâtel, notamment de l'aménagement du territoire et de la protection de l'environnement, ainsi que le soutien qu'ils ont obtenu de nombreuses personnes de la région de la Béroche (NE). Olivier Müller : " Personne jusqu'à présent, n'a réussi à élever des perches en captivités " - Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de vous lancer dans l'élevage de perches ? Je me suis toujours intéressé, en tant que biologiste, à la pisciculture et à l'aquaculture. De plus, je voulais réaliser quelque chose en Suisse et qui ait de bonnes chances de succès, commercialement parlant. Le marché des filets de perches est très porteur : il s'en consomme, en Suisse, 6000 tonnes par an, dont une petite quantité seulement provient de nos lacs. Vous affirmez que c'est une première mondiale. Comment expliquez-vous que personne n'ait encore exploité cette niche ? Certains ont essayé, d'autres essaient encore, notamment aux Etats-Unis, mais sans succès. Il est relativement compliqué d'élever des perches, principalement du fait que les alevins ne peuvent être nourris avec une alimentation artificielle. Vous avez une recette miracle ? Non, mais cela fait dix ans que je travaille sur ce projet ! Vous parlez de mesures prise pour éviter toute pollution. Pouvez-vous nous donner un exemple ? Pour éviter la pollution des eaux par les excréments et autres déchets organiques, des cônes de récupération sont placés sous chaque cage et reliés directement à la station d'épuration de Saint-Aubin, à huit cents mètres de la ferme. A combien s'est monté l'investissement pour les installations ? Environ un million. Avez-vous trouvé cette somme facilement ? Oui ! Mais, vu les chiffres de la consommation suisse, il est évident que le marché est porteur. Avez-vous déjà des clients ? Uniquement dans la région. Nous prévoyons une production de 60 tonnes de filets, ce qui représente seulement 1 % du marché suisse. Trois ou quatre restaurateurs suffisent donc à écouler la marchandise. Prévoyez-vous d'étendre vos activités au lac Léman, par exemple ? Le projet est à l'essai pendant cinq ans. La Confédération a fixé ce laps de temps pour s'assurer qu'il n'y a pas d'impacts négatifs sur le lac. Après cette période probatoire, pourquoi pas ! Propos recueillis par Catherine Garavaglia L'Entreprise, 23.7.1999 |
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