Les micro-organismes aiment l'électronique

Des chercheurs récupèrent les métaux contenus dans la poussière électronique à l'aide de bactéries et de champignons.
La Suisse produit environ 120'000 tonnes de déchets électroniques par année. Et ce nombre augmente chaque année. Une grande partie de ces déchets est recyclée dans le cadre d'un processus complexe.
Mais quelques étapes de ce processus produisent de la poussière électronique. Cette poussière parvient à l'incinérateur en tant que résidu spécial et les métaux qu'elle contient ne peuvent être recyclés. Dans le cadre du Programme prioritaire "Environnement" du Fonds national suisse, des chercheurs de l'Université de Zurich ont testé une méthode pour récupérer les métaux de la poussière électronique à l'aide de bactéries et de champignons.
Cette méthode, la lixiviation biologique, est déjà bien connue de l'industrie minière pour l'exploitation des roches pauvres en minerais. Helmut Brandl et son groupe de l'Institut des sciences de l'environnement ont étudié d'autres applications. Hormis les déchets électroniques, les métaux des boues galvaniques ainsi que les cendres des filtres et les scories provenant de l'incinérateur peuvent être recyclés à l'aide de cette méthode.
Le processus de recyclage se fait en plusieurs étapes. Mais nombre de ces étapes produisent encore de la poussière, de plus en plus souvent classée parmi les déchets spéciaux dans les usines d'incinération. Les métaux contenus dans cette poussière - or, argent, cuivre, aluminium, plomb, nickel, cadmium, zinc et étain - échappent ainsi à tout recyclage.
Dans le cadre du Programme prioritaire "Environnement" du Fonds national suisse, des chercheurs de l'Université de Zurich ont élaboré un procédé qui, au moyen de bactéries et de champignons, permet d'extraire les métaux contenus dans la poussière électronique. Ce procédé - une "lessive" biologique - est employé depuis longtemps par les mineurs, pour l'exploitation des roches pauvres en minerai. Helmut Brandl et ses collègues de l'Institut des sciences de l'environnement viennent de découvrir d'autres applications.

Microbes transformés en mineurs
Certains micro-organismes possèdent naturellement la capacité d'extraire les métaux de certains matériaux. Plusieurs mécanismes interviennent dans ces actions: réduction et oxydation, synthèse d'acides, etc. Les mieux connues des bactéries mangeuses de métal sont les thiobacilles qui, en oxydant le soufre, produisent de l'acide sulfurique.
Helmut Brandl a également porté ses recherches sur des champignons des familles Aspergillus et Penicillium. Ces deux champignons produisent des acides organiques, tels que l'acide citrique ou l'acide gluconique.
Chacun ont leurs métaux de prédilection, qu'ils parviennent parfois à extraire en totalité. Ainsi, le champignon Penicillium simplicissimum extrait la totalité du nickel et du zinc, presque tout le plomb et une bonne partie de l'étain. Imbattable pour le cuivre et l'aluminium, la thiobacille est impuissante devant le plomb et l'étain.

Du résidu à la matière première
Une fois les métaux en solution, on peut les séparer au moyen de divers processus: échangeurs d'ions, électrolyses, modification du pH (degré d'acidité) de la solution. Les métaux peuvent alors réintégrer les circuits de production en tant que matière première utilisable. Les restes de poussière électronique, ainsi débarrassés des métaux lourds parfois très polluants, peuvent également être traités plus simplement, voire réutilisés.
Ces méthodes ne sont pas valables uniquement pour les déchets électroniques, mais peuvent aussi extraire les métaux des sols pollués ou de boues de galvanisation. Ce procédé fait également merveille sur les résidus des usines d'incinération.
Ces déchets comprennent encore des tonnes de scories métalliques et de cendres de filtres, qu'on appelle minerai artificiel ou matière première secondaire. La Suisse produit environ 60'000 tonnes de cendres de filtres et environ 600'000 tonnes de scories chaque année.

Une faible pollution
Les métaux peuvent aussi être extraits des déchets grâce à des procédés chimiques. La "lessive" biologique présente cependant plus d'avantages: moindre consommation d'énergie, moins d'émissions nocives et meilleur rendement. Nous manquons malheureusement de données pour dresser un bilan écologique comparatif, et les aspects économiques n'ont pas encore été examinés de manière exhaustive.
Il faut aussi tenir compte du fait que ces procédés présentent des inconvénients: la résistance des bactéries et des champignons aux métaux n'est pas illimitée et, plus la quantité de métal est importante, moins elles sont efficaces.
En outre, cette méthode nécessite beaucoup d'espace et d'eau. L'Institut des sciences de l'environnement de l'Université de Zurich s'est donc attaché à optimiser ces procédés. De nouvelles tentatives seront effectuées pour travailler de manière sélective, soit en utilisant des bactéries ayant un métal de prédilection, soit en élevant bactéries et champignons pour qu'ils traitent un métal spécifique.
En effet, Helmut Brandl voit pour l'instant peu d'applications de cette technique dans les installations industrielles, et se tourne plutôt vers des applications plus limitées, telles que la récupération de métaux très rares et/ou très chers.

Fonds national suisse de la Recherche scientifique

PME magazine - Novembre 2000