Le chien-robot aurait de belles années devant lui.
"Dans dix ans, je suis sûr que la plupart des ménages posséderont deux ou trois robots personnels dont les performances seront cent fois améliorées. Mon espoir est que ces robots deviennent capables de parler avec les humains, de bavarder au sujet des derniers potins."
Si celui qui s'exprime ainsi était un auteur de science-fiction, nous nous contenterions de saluer son imagination, qui est son outil de travail. Mais c'est M. Toshitada Doi, président du Sony Digital Creatures Laboratory, dont les propos doivent peu à l'imagination mais beaucoup aux recherches qu'il fait effectuer actuellement. Le président de Sony Digital a ajouté: les années 80 ont été la décennie du PC, les années 90 celle d'Internet, je pense que la décennie qui s'ouvre sera celle des robots." Cette vision prospective des lendemains qui chantent au rythme des robots, il l'a développée en présentant son dernier-né. Il s'agit d'Aibo, un chien-robot, dont le nom, qui est déjà une préfiguration de l'avenir, signifie "compagnon". La première version d'Aibo, produite à 45'000 exemplaires et mise en vente sur Internet, s'est arrachée en moins de vingt minutes. Le nouvel Aibo est équipé d'une caméra dans le museau qui lui permet de traduire, de façon plus expressive, la joie ou la colère. Cependant, même en colère il ne mord pas encore. Ça viendra car, à ce prix-là, près de 10'000 francs (1524 euros), on devrait pouvoir se faire mordre. Toutefois, a souligné M. Toshidata, il ne remplacera pas les chiens d'aveugles avant un bon moment. Quand ce temps sera venu, on ne sait si les aveugles devront s'affliger ou se réjouir de la présence de leur nouveau compagnon. Au moins, ces créatures canines de haute fidélité technologique auront quelque utilité pour nos contemporains atteints de cécité. Il semble que le robot sur lequel travaillent les laboratoires japonais aura une fonction ludique: autrement comment serait-il un produit de masse rentable? On est frappé de la disproportion entre le double investissement, financier et scientifique, et sa finalité: "Bavarder avec les humains au sujet des derniers potins." Ce sera là une manifestation de ces "performances cent fois améliorées" par rapport aux pauvres robots actuels inexplicablement tenus dans l'ignorance du dernier état des déboires sentimentaux de telle star hollywoodienne. On veut espérer que nos amis les robots ne connaîtront pas trop de "bugs" qui pourraient les frapper de dyslexie rendant leur conversation difficile à suivre. Le "bug" étant au robot ce que le prion est à la vache folle. A cette différence qu'un "être" aussi doué ne se laissera pas aussi facilement abattre que le paisible bovin n'ayant toujours pas compris ce qui lui arrive.
Le Figaro - 15 novembre 2000, Guy Baret
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