La création d'entreprises est devenue une mode et l'EPFL en est l'une des investigatrices.
La nouvelle direction de l'EPFL l'a clairement énoncé : les priorités iront à la recherche et à la création d'entreprises. Dans cette optique, Jane Royston vient de lancer son programme Create et le cycle Management des technologies en est à sa troisième année avec des résultats probants. Un signe qui ne trompe pas, le Parc scientifique d'Ecublens a déjà fait le plein de ses deux premiers bâtiments avec des start-up prometteuses. La construction du troisième débute cet été avec comme objectif de doubler les capacités d'accueil existantes.
" Il y avait des banquiers, des ingénieurs, des avocats, des fiduciaires. Pour la première fois, on
sentait un noyau en train de se constituer autour d'un pôle technologique. " Ces paroles de Laurent Piguet, dont la tâche consiste à assister les jeunes entreprises du parc technologique de l'EPFL, prononcées lors de la leçon inaugurale de Jane Royston, titulaire de la nouvelle chair Entrepreneurship et Innovation, sont lourdes de sens. Souvent citées en exemple pour leur capacités à organiser un transfert de technologie débouchant sur de nouvelles compagnies prometteuses, les universités américaines ne sont désormais plus les seules à dominer la question. Les quelque huit cents inscrits à cette fameuse leçon inaugurale de la fondatrice de Natsoft, une compagnie reprise depuis par Cambridge Technology Partners, en sont la meilleure preuve. L'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne est en train de confirmer son rôle essentiel dans le renouveau du tissu économique romand et représente un enjeu difficilement chiffrable certes, mais que l'on peut probablement estimer à plusieurs centaines de millions de francs et quelques dizaines de milliers d'emplois.
Cherche ingénieurs-entrepreneurs.
Les nouveaux dirigeants de la prestigieuse Ecole ont d'ailleurs clairement annoncé la couleur lors de leur récente nomination : " Nos priorités vont à la recherche et à la création d'entreprises, déclarait Patrick Aebischer, président de l'EPFL pour les huit années à venir. Il nous faut former des ingénieurs-entrepreneurs. Si un diplômé EPFL est engagé dans une entreprise, cela ne crée qu'un seul emploi. S'il crée sa compagnie, cela peut en générer une vingtaine. C'est ainsi que se distingueront les diplômés EPFL, pas seulement au niveau local mais également international. Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, nous ne ferons que renforcer ce qui a été mis en place par les précédentes directions. " En effet, l'EPFL avec ses 4500 étudiants et doctorants n'a pas attendu l'arrivée de la nouvelle équipe de direction pour jeter les bases d'un véritable centre de compétences tant dans les technologies de l'information que dans la microtechnique et bientôt dans les sciences de la vie, trois secteurs d'avenir en termes de créations d'entreprises, génératrices de nouveaux postes de travail. Un sondage récemment mené par l'Ecole elle-même, portant sur les conditions de travail de plus de 200 étudiants cinq ans après la remise de leur diplôme, démontre que la quasi-totalité des ingénieurs ont trouvé un emploi peu après leurs études et sont au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée. C'est à dire l'attrait que représente ces nouvelles forces de travail pour l'économie privée. Mais les efforts de l'EPFL ne se limitent pas à la seule formation d'ingénieurs performants, loin de là. Depuis plusieurs années, les dirigeants de l'Ecole ont en effet mis les bouchées doubles pour favoriser le transfert de technologie au sein de nouvelles sociétés bien décidées à exploiter la recherche fondamentale de pointe menée au sein des laboratoires de l'Ecole. Que l'on parle des questions de brevets, de financements, comme le Fond pour l'innovation technologique, de participations aux programmes européens ou d'un parc scientifique susceptible d'accueillir ces start-up émanant de l'Ecole, rien n'a été négligé et la démarche commence à porter ses fruits. Le Parc Scientifique d'Ecublens (PSE), sur le site même de l'EPFL, est un excellent exemple de cette accélération connue dans la création d'entreprises. Le premier bâtiment mis en chantier en 1993 a mis à peu près cinq ans pour faire le plein de start-up. La deuxième bâtisse mise à disposition en décembre 1998 est d'ores et déjà complètement remplie, tant et si bien que les responsables du parc annonçaient en été dernier déjà la construction d'une troisième unité susceptible d'accueillir de nouvelles compagnies.
Cette fois, le PSE a vu grand : cette troisième structure formée de deux bâtiments doublera la capacité actuellement disponible de 5000 m2 et formera un nouveau " E. Center " dédié aux entreprises dont les activités sont directement liées à Internet. L'investissement sera de l'ordre de 14 millions et les locaux disponibles dès le printemps prochain. Actuellement, 37 sociétés sont déjà localisées dans le parc et cinq compagnies internationales ont choisi ce site comme porte d'entrée sur le marché suisse voire international, à l'image de Transwitch, filiale d'un spécialiste des circuits électroniques qui pèse 3,8 milliards de dollars et qui a utilisé les PSE comme premier point de chute avant de s'établir à Yverdon. Le Parc d'Ecublens ne manque d'ailleurs pas d'ambitions futures, dans le domaine financier d'abord, sous la forme d'un fonds susceptible de prendre des participants dans ces start-up à l'image d'une société de capital-risque, dans son rôle d'incubateur pour compagnies innovantes ensuite. " Jusqu'ici, les créateurs d'entreprises du PSE avaient déjà leur équipe et leur plan d'affaires, explique Laurent Piguet. Nous voudrions encourager et encadrer des jeunes qui en sont encore au premier stade de conception. "
Mais la démarche des responsables du Parc ne s'arrête pas à ces seules considérations puisqu'ils sont plus que jamais déterminés à le valoriser par-delà l'EPFL. Ainsi, l'Académie met actuellement sur pied une cellule de transfert de technologie qui regroupe l'hôpital universitaire vaudois, les hospices et l'université avec comme objectif de gérer les questions de propriété intellectuelle et d'identifier dans les différentes facultés les projets de recherches les plus prometteurs en termes de valeur ajoutée, soit dans les sciences, soit dans la médecine ou les études commerciales.
Innovation technologique.
L'EPFL n'en constitue pas moins un terreau des plus fertiles à la création d'entreprises. Si récemment, c'est Jane Royston qui a occupé le devant de la scène avec son programme Create destiné aux étudiants de l'Ecole et lancé en mars dernier avec plus de 270 inscriptions pour à peine plus de trente postes, le cycle Management des technologies (MoT), plus ancien, n'en remplit pas moins parfaitement son rôle avec des résultats probants. A la fin de cette année, ils seront plus de 70 à avoir suivi ce programme postgrade mis sur pied conjointement par l'EPFL et les HEC Lausanne, soit trois volées d'une bonne vingtaine d'entrepreneurs potentiels. " Le but de cette formation est de développer leurs compétences en matière de création d'entreprises basée sur l'innovation technologique ", explique Jean Micol, codirecteur du cycle. " Car de nos jours, on ne peut tout simplement plus se lancer dans une telle aventure en amateur. Il faut d'emblée considérer tous les aspects de la question avec professionnalisme. "
Résultat : alors que la troisième année de cours n'est pas encore achevée, le programme a déjà débouché sur la création de dix nouvelles sociétés fondées ou co-fondées par des diplômés MoT, dont plusieurs ont pris racine dans les locaux du PSE. De plus, près d'une dizaine de diplômés se sont engagés dans des start-up et plusieurs autres uvrent dans des organisations dont le but est de soutenir les compagnies en démarrage. En d'autres termes, le Management des technologies connaît actuellement un taux de réussite fort enviable de 40 %.
" En matière d'innovation, nous sommes convaincus que les ressources de compétences sont immenses en Suisse ", poursuit Jean Micol, " comme le prouvent le nombre de brevets déposés ou les dépenses en recherche et développement, parmi les plus élevées au monde en rapport au Produit national brut. Il s'agit donc de faire fructifier ces innovations par la création d'entreprises. Pour ces nouvelles sociétés de haute technologie, l'enjeu est international. C'est pourquoi il est important d'alimenter ce cycle avec les meilleures spécialistes européens et américains, tant des milieux académiques, industriels que financiers pour des diplômés au bénéfice d'expériences professionnelles ayant un projet d'entreprise ouvert sur le monde. " A n'en pas douter, l'EPFL s'est au fil des ans doté des moyens nécessaires à traduire ces bonnes paroles en un réseau d'entreprises performantes, compétitives et prêtes à renforcer la renommée de l'Ecole au-delà des frontières. Si besoin était.
Jules Leblanc pour CTI 30.06.2000
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