Un nouveau type de cellules photovoltaïques a été développé à l'EPF de Zurich par l'Institut d'électronique quantique, avec l'appui du Fonds National suisse de la recherche scientifique et de l'0ffice fédéral de l'éducation et de la science.

Des couches minces pour de l'électricité solaire

Une nouvelle technologie s'annonce très prometteuse pour produire de l'électricité solaire: elle recourt à des couches minces d'un semi-conducteur à base de cuivre, indium, gallium et sélénium (CIGS). Une équipe scientifique de l'EPF de Zurich est parvenue - c'est une première - à déposer des couches minces de CIGS, ayant la qualité requise, sur une feuille en matière synthétique au lieu d'une plaque de verre. Ces couches minces ont converti en électricité jusqu'à 13 % environ de la lumière incidente - " un record mondial pour des cellules solaires sur support souple! ", relève Hans Zogg, qui dirige le groupe de physique des couches minces à l'Institut d'électronique cantique (IQE). Cette importante avancée s'inscrit dans un projet de l'UE, auquel est associé l'Office fédéral de l'éducation et de la science, et met en valeur des recherches fondamentales soutenues par le Fonds national suisse.

Des feuilles en polymère plutôt qu'en verre
Ces couches minces ne mesurent que 2-3 mm d'épaisseur. La technologie du CIGS n'emploie donc que de très faibles quantités de substances, ce qui réduit le coût de fabrication et le temps de retour énergétique (le temps qui s'écoule jusqu'à ce qu'un module solaire ait fourni autant d'énergie que sa fabrication en a consommé). Cependant, ces atouts ne déploient pleinement leur effet que si l'on utilise un matériau léger et mince, également pour le support de la couche. Pour ce faire, des feuilles en polymère sont supérieures au verre et offrent de surcroît l'avantage d'être souples.
Un problème subsiste toutefois. Pour obtenir la qualité requise, la couche de CIGS est produite sous vide par déposition de vapeur aux environs de 500 °C. Or, à une température aussi élevée, les feuilles de polymère sont mécaniquement instables. Le groupe zurichois a contourné la difficulté en fabriquant la couche mince en deux étapes: " La matière synthétique est d'abord étendue sur une plaque de verre, qui assure la stabilité nécessaire, puis la couche mince est déposée sur le polymère ", explique Ayodhya Nath Tiwari, qui a développé ce procédé à l'IQE. " Auparavant, la plaque de verre a été recouverte de chlorure de sodium. A la fin de toute la procédure, ce sel est dissout dans de l'eau et la feuille de polymère refroidie. Le support de la couche mince se détache alors du substrat de verre. "

Des applications sur terre, sur mer et dans l'espace
Des perspectives d'applications se présentent entre autres dans l'espace. Un kilogramme de cellules solaires souples en technologie CIGS pourrait fournir une puissance électrique de 1,5 kW - c'est en gros six fois plus qu'avec le même poids de cellules actuelles en silicium cristallin. Le CIGS est de surcroît plus résistant aux radiations, ce qui est un autre atout pour son utilisation dans l'espace. D'autre part, les cellules souples ne doivent pas nécessairement être encastrées dans des panneaux solaires aux structures mécaniques vulnérables. Elles pourraient, par exemple, être fixées à la surface d'un ballon ou d'une voile, que l'on gonflerait ou déploierait sur orbite.
Ces cellules offrent également perspectives au sol. Dans des régions du tiers monde non-équipées d'un réseau électrique, de même qu'en mer, en haute montagne ou dans le désert, des voiles solaires transportables pourraient alimenter en électricité des appareils médicaux mobiles, des frigidaires, des applications de télécommunication et d'autres services. Souples et légères, elles seraient mises en rouleaux pour le transport et déployées sur les lieux d'utilisation. On peut aussi les coller sur des surfaces non planes dont elles épousent la forme, par exemples sur des carrosseries d'autos ou sur des bateaux. Autre application envisageable: les petites photopiles intégrées à certaines cartes de crédit. Les couches minces en silicium amorphe, utilisées aujourd'hui, ont un rendement nettement inférieur.

De l'électricité solaire à un prix compétitif
Les équipements de laboratoire utilisés à l'IQE ne permettent pas d'obtenir des couches minces de plus de quelques centimètres carrés. Les chercheurs ont engagé des contacts avec des partenaires potentiels pour la fabrication de cellules plus grandes. Produites à l'échelle industrielle, les cellules souples en technologie CIGS coûteraient probablement bien moins cher que les cellules actuelles en silicium cristallin et pourraient même, à l'avenir, fournir de l'électricité à des prix compétitifs.

La Revue Polytechnique, mars 2000