Innover pour survivre !

Qui n'a pas son jean ? Du collégien au PDG en passant par la minette branchée, il n'est sans doute pas une Française dont la garde-robe ne comporte pas l'incontournable denim, plus ou moins délavé selon les goûts. Et pourtant, chez nous comme partout ailleurs - et même dans sa maison mère, les Etats-Unis ! - le jean est en crise (lire notre enquête pages 10 à 13). Confrontés aux goûts changeants des adolescents, qui zappent en matière vestimentaire comme ils le font devant leur téléviseur, les fabricants tentent de réagir. Et cette réaction passe par un maître mot : l'innovation. Tissus, formes, accessoires, couleurs : du " baggy " à la haute couture, tout est bon pour relancer un produit en perte de vitesse, sans oublier de nouvelles formes de marketing ou de distribution.
Ce cas particulier illustre bien un des éléments clés de l'économie moderne : il n'y a plus de situation acquise. Fini, le produit phare qui assurait, quoi qu'il advienne, les fins de mois de l'entreprise ! Terminé, le filon juteux sur lequel se bâtissait la fortune de deux ou trois générations ! A présent la concurrence est là, et peut venir de partout : dynamisée par l'ouverture des frontières, " boostée " par Internet, elle est prête à dévorer tous ceux qui s'endorment sur leurs lauriers et oublient d'innover aujourd'hui pour survivre demain.
Un constat qui vaut aussi dans le domaine de l'emploi. Il est désormais acquis qu'on ne fait plus toute sa carrière professionnelle dans la même entreprise, et que changer de société, de secteur ou de pays est considéré comme un " plus " sur un curriculum vitae. Mais voici qu'arrivent de nouvelles formes de travail : multisalariat, bureaux partagés, solos, portage, etc. Face à elles, les cadres sont en général réticents : pour eux, et paradoxalement surtout pour les plus jeunes, rien ne vaut un bon contrat classique à durée indéterminée chez un seul et même patron. Mais cela est sans doute appelé à évoluer : pour peu qu'elles soient négociées et non pas imposées, gageons que ces évolutions en séduiront plus d'un dans un proche avenir.

Le Figaro - lundi 10 juillet 2000, Gérard Gachet