LauraStar n'est plus un produit de niche
Devenir la référence mondiale du repassage à domicile. La petite entreprise fribourgeoise a réussi son pari.
Le premier fer à vapeur destiné aux professionnels de l'entretien remonte à 1926 (eh oui!). 60 ans plus tard, une petite entreprise de Châtel-St-Denis (FR) lançait LauraStar, le premier système complet (fer et table de repassage avec générateur de vapeur pressurisée intégré) à usage domestique. Succès inespéré.
Dix ans plus tard, la planche à repasser devenait même intelligente, incluant cette fois un système de soufflerie/ aspiration détourné des équipements de pressing, pour positionner et soutenir le linge de façon optimale durant le repassage. Ceux qui ricanent de cet " excès de technologie pour une simple tâche domestique " (ça s'est dit et même écrit) ont tort: on s'arrache ces nouvelles planches. Et Divelit est aujourd'hui leader européen du repassage pressurisé.
Décrit par PME Magazine il y a quatre ans, le pari était audacieux. Il est aujourd'hui gagné. Ces appareils sophistiqués sont d'un prix élevé (de 400 francs pour un fer simple à plus de 1000 francs pour un système complet), leur concept est novateur dans un domaine conservateur, et ils sont prioritairement destinés aux femmes, qui ont souvent peu de budget pour l'équipement ménager.
Mais voilà: ils sont remarquablement efficaces. Et ensorcelés, apparemment, puisque lorsqu'on en a un on n'en veut plus d'autre. Subjuguées, les ménagères sont ses meilleures ambassadrices, générant par leur bouche-à-oreille 30% des ventes.
Elles disent "un LauraStar" comme on dit "un Lacoste" ou "une aspirine". Et pour cause: les produits dont le groupe fribourgeois est le pourvoyeur dans 25 pays sur trois continents n'ont pas de véritables équivalents. Au point que Divelit, fondée en 1980 par Jean Monney et un groupe d'amis-associés, envisage d'abandonner son nom peu connu pour ne garder que celui de ses produits.
" Notre créneau est considéré comme une activité de niche. Mais si l'on considère que sur le marché européen, en net développement depuis 1997, le repassage à vapeur pressurisée représente 9% du marché des fers et 34% de sa valeur, dont respectivement 10 et 20% environ sont la part de LauraStar, le terme de niche perd beaucoup de pertinence. "
Quant au marché suisse, qui a décollé en 1995-96 déjà, il est voué à la vapeur pressurisée à raison de 29% en unités et 67% en valeur, LauraStar y occupant respectivement 28 et 51% dans ce segment. Grande, la niche, pour une petite société suisse!
La Belgique, la France, la Norvège, la Hollande, récemment l'Autriche et, depuis peu, les Etats-Unis, où les premières expériences sont très concluantes (installation définitive en 2002), ont à leur tour été érigées en filiales, les produits étant en outre diffusés par des distributeurs dans d'autres pays en Europe (12), en Asie (3) et au Moyen-Orient (2), ainsi qu'en Australie.
Conclusion pince-sans-rire de l'heureux directeur: " Quand on pense à la diversité des normes électriques, c'est une folie. " Cependant, si la Suisse et l'Italie sont en tête pour la percée et la familiarité avec le concept, et si la France et la Belgique se présentent bien, ailleurs LauraStar est encore au berceau. D'ailleurs, tempère-t-on à Châtel, " 200'000 clients en Suisse sur 2,9 millions de ménages, il reste à faire ici aussi! "
Le succès de LauraStar s'appuie sur trois axes : la vente directe, dans les foires puis aujourd'hui chez les détaillants et dans les grandes surfaces, un service après-vente étendu et performant, et le développement régulier de nouveaux produits.
Une image forte, originale, une réputation de qualité et un capital confiance exceptionnel sont les atouts qu'exploite LauraStar. " Nos produits n'étant pas conventionnels, il faut donc les entourer d'explications mais, comme personne ne lit un mode d'emploi, mieux vaut une démonstration efficace, ce qui implique une formation solide des forces de vente. Aussi avons-nous ouvert notre propre école. D'autres, bien plus importants que nous, auraient les moyens d'en faire autant et à plus vaste échelle, mais ils n'ont pas cette philosophie de suivre à la fois le produits et le client dans ce " compagnonnage du repassage."
Parallèlement, emportée par la conviction de son directeur marketing Urs Buechi (ex-Procter & Gamble), Divelit est devenue le plus gros investisseur en pub TV de Suisse !
Clou de la collection : Steamax, un fer léger et puissant aux réjouissantes rondeurs jaune citron, dû aux dessinateurs d'ADN (Lausanne) et qui, indépendamment de ses qualités techniques, récoltes des distinctions : The Chicago Athenaeum Good Design Award (doyen mondial des prix en ce domaine), le Design Preis Schweiz avec mention spéciale, le fameux IF Product Design Award allemand, et ce n'est pas fini. D'ailleurs, il est entré dans la collection du Musée du design de Chicago !
Ces produits dérivés, moins chers pour une qualité égale, devraient faire grimper rapidement et le chiffre d'affaires et la popularité du concept, puisque les systèmes (centrale de vapeur intégrée à la planche) se vendent déjà deux fois plus que les fers eux-mêmes, et qu'ils pénètrent peu à peu sur les marchés étrangers. Sans beaucoup de réaction de la concurrence (Jura et Solis en Suisse, Calor, Kenwood et Philips en Europe, Singer aux Etats-Unis) pour le moment.
Mais, dit Jean Monney sans forfanterie, " même nos produits de moyenne gamme sont meilleurs que le haut de gamme des autres, à quoi s'ajoutent une élimination et un recyclage maximum (presque 100 %), les exigences du marché allemand étant en cela une rude école. Nos concurrents nous aident car, tout seul, il est difficile de se situer : avec eux, nous devenons une référence. "
Pas de partenaires gourmands, pas de banques insistantes en coulisse : Divelit et ses sept filiales, soit 350 personnes, jouissent de leur totale indépendance. Jean Monney, entouré de ses cadres-actionnaires, exploite cette heureuse situation pour mener une réflexion approfondie sur l'avenir du groupe. Leur souci : "Ne pas être largués dans le futur de la nouvelle économie ! "
Ni froissé ni amidonné, le business plan de Divelit se dessine en souplesse. La société est à la fois enthousiaste et circonspecte : " Aller en Bourse ne nous fait pas peur, mais s'y lancer juste pour faire comme les autres
Il faut de solides bases financières, sinon on brade notre patrimoine pour un bénéfice en feu de paille ", pense-t-on sagement à Châtel.
" Cela peut être un levier pour des acquisitions ou de grands projets ; or, une acquisitions est stimulante seulement si elle apporte de nouvelles technologies, résume Jean Monney. Idem pour les joint-ventures : elles ne sont intéressantes qu'entre partenaires équivalents, ou alors c'est une mainmise à peine déguisée. Un plus grand nous mangerait, un plus petit n'a pas grand-chose à nous apporter. Mais nous avons l'il ouvert : notre approche a toujours été européenne, et nous ne nous sentons pas limités par la frontière. "
Objectif 80 millions
Après avoir épongé les suites de ses déboires de 1995 (dépression du marché allemand, qui représentait alors 65% du chiffre d'affaires) et annoncé un chiffre d'affaires 1998 de 60 millions (+20%) avec doublement de son bénéfice d'exploitation à 4,7 millions, le groupe s'apprête à boucler dans quelques semaines ses comptes 1999 sur un chiffre d'affaires de quelque 70 millions (+25% environ.) Le bénéfice d'exploitation sera en légère augmentation sur l'année précédente, les filiales sont bénéficiaires et atteignent leurs objectifs avec un bel ensemble, et les exportations (65%) se portent fort bien. Propre en ordre, et " on espère atteindre les 80 millions pour clore l'an 2000 en beauté ".
Dans l'air du temps
L'argumentaire des vendeurs LauraStar a évolué avec les années : fer plus léger, mêmes qualités qu'un pressing professionnel, etc. " Mais, remarque leur dirigeant, nous en revenons toujours à notre tout premier argument de vente : ça divise par deux le temps de repassage ! " Il y a quelques mois, à Bâle, il a invité 2000 clients masculins de Manor à une soirée de démonstration et de discussion : " 450 d'entre eux sont venus et les chaînes de TV aussi, ce fut amusant et instructif à tous points de vue ! On le refera, c'est notre modeste contribution à l'évolution de la société. "
PME Magazine - mai 2000, Joëlle Brack
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