Un procédé de traitement révolutionnaire testé en Aquitaine, du lisier propre grâce aux champignons

Une porcherie sans odeur ! Un rêve pour Claudine et Jean Boudassou, producteurs de porcs à Escoubès, petit village des Pyrénées-Atlantiques, qui redoutaient de ne pouvoir développer leur activité à cause des nuisances olfactives. « Nos voisins sont incommodés, reconnaît Claudine, et le fait de passer de 450 porcs à 900 aurait pu provoquer une véritable levée de boucliers dans le village. » Du coup, ils ont décidé de servir de « cobayes » à une expérimentation de dépollution du lisier révolutionnaire qui sera révélée aujourd'hui au public.


Le principe ? L'introduction de souches mycéliennes (champignons microscopiques) dans des cuves de décantation installées à la sortie de la porcherie permettent de produire un effluent épuré jusqu'à 80 % des nitrates, azotes, phosphores, potasses et désormais quasiment sans odeur. Les services de l'Etat (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) contrôlent l'expérimentation par des analyses régulières. « Cette dégradation est totalement naturelle et peu coûteuse, affirme Dominique Schraawers, directeur de la société Odyssol, qui a mis au point le procédé. Nous sommes actuellement à un prix de traitement compris entre 32 et 35 francs le m3 et nous allons rapidement descendre en dessous de 30 francs. L'épandage classique - épuration dans les champs - revient en moyenne à 20 francs, mais les installations industrielles développées en Bretagne affichent des tarifs culminant entre 40 et 45 francs. »
Autre avantage : le gain de place. « Je produis à peu près 1'000 m3 de lisier par an, explique Jean Boudassou, et il me faut 35 hectares d'épandage. En doublant mon activité, j'aurais dû aller chercher de nouveaux hectares à plus de 15 kilomètres de l'exploitation ». Le procédé inventé au Japon, pays particulièrement soucieux de l'économie de son espace, avait été étudié par des étudiants Italiens de Bologne. Mais aucun industriel occidental n'avait osé l'expérimentation. « Sur le papier, cela paraissait incroyable de simplicité, se souvient Dominique Schraawers, je me suis donc rendu à Tokyo pour vérifier l'efficacité du système ».
Le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, qui a signé une charte départementale pour l'agriculture et l'environnement, a décidé d'investir 200'000 francs dans le projet, soit 50 % des frais de lancement, et 45'000 francs pour couvrir le coût des analyses. L'autorité départementale a vu là un bon moyen de réconcilier éleveurs et défenseurs de l'environnement au moment où la filière porcine locale à l'ambition d'augmenter sa production. L'obtention d'une indication géographique protégée (IGP) européenne - on ne peut plus produire de jambon de Bayonne en dehors d'un périmètre délimité - incite en effet les éleveurs locaux à engraisser quelque 200'000 porcs supplémentaires et créer 2'000 ateliers de découpe. Mais les associations de consommateurs et de défense de l'environnement ont violemment réagi, ne voulant pas le développement d'un « modèle breton ». « Nous en sommes pourtant très loin, affirme Bernard Dupont, président de l'IMPAQ (Interprofession porcine d'Aquitaine), notre région compte 20 porcs au km2, contre plus de 600 en Bretagne ». L'image négative de ce type d'élevage a pourtant suffi à la constitution de comités de défense. « Nous avons mis au point un procédé révolutionnaire, s'enorgueillit François Bayrou, président du conseil général, le éleveurs bretons confrontés à ces problèmes de lisier depuis des années vont sans doute s'en inspirer très rapidement. Notre charte signée pour une durée de cinq ans devrait nous permettre de soutenir d'autres projets de ce type. »

Le Figaro - Escoubès (Pyrénées-Atlantiques) de Marie-Christine Tabet