Le monde change. Et la Suisse ? Aujourd'hui, l'économie est devenue plus globale. L'Helvétie a peut-être cru qu'elle pouvait échapper à cette évolution. Le réveil a été brutal. Il a fallu procéder à des restructurations, exercice ô combien pénible.
Selon le professeur Stéphane Galleri, la Suisse doit être plus imaginative
Comment la Suisse va-t-elle faire face à cette nouvelle donne ? Va-t-elle s'en sortir ? Stéphane Galleri, professeur à l'Université de Lausanne et à l'IMD (International Institute for management development), a tenté d'apporter quelques réponses à ces questions d'actualité.
La globalisation de l'économie constitue le plus grand défi qui se pose actuellement à la Suisse. Et si l'industrie alimentaire ou celle des communications, par exemple, veut rester performante, elle doit s'insérer dans un contexte mondial. Elle n'a pas le choix. Swisscom, par exemple, ne peut plus être uniquement helvétique comme cela a été le cas jusqu'à présent, rappelle Stéphane Galleri.
Toutefois, l'économie suisse n'est pas faite que de globalité. Elle est constituée aux deux tiers par des échanges de proximité (avec des produits et des services proches du client final) qui ont retrouvé de la vitalité grâce aux nouvelles technologies. Et dans un tel cadre le choix existe. Il n'est, en effet, pas nécessaire de tout privatiser. Il est même possible de prendre à cet égard des décisions non économiques.
Le rôle social du facteur
Ainsi, même s'il semble évident que la Poste doit s'ouvrir à la concurrence internationale, le rôle du facteur ne doit pas être forcément revu dans un sens totalement libéralisé : il doit distribuer le courrier, mais aussi établir un lien social avec la population sans être contraint de chronométrer chaque étape de sa tournée. Pour ce type d'activité, il faut accepter un modèle économique non performant, estime le professeur lausannois. S'il est permis d'admettre que le facteur puisse ne pas être tout à fait « rentable » selon les critères actuels de la gestion, le bureau de poste, en principe, ne peut se permettre d'accuser des déficits. Si c'est le cas, faut-il pour autant le supprimer ?
Cela pourrait être une solution, dit Stéphane Garelli. Mais assurément pas la seule. En Grande-Bretagne, par exemple, il arrive que des épiciers gèrent en même temps un guichet postal installé dans le magasin.
Pourquoi, après tout, l'administration centrale du géant jaune en Suisse ne proposerait-elle pas à un commerçant d'une localité dont le bureau de poste est menacé de reprendre la gestion de celui-ci en faisant appel à son sens entrepreneurial ? Désireux de garder leur poste, les villageois ne manqueraient pas cette aubaine et fréquenteraient sans doute assidûment le magasin afin qu'il puisse dégager des résultats équilibrés. La Poste ne quitterait ainsi pas le village.
D'une manière générale, l'avenir de la Suisse dépendra de sa capacité à faire preuve d'imagination et à combiner deux économies en parallèle, l'une de globalité, l'autre de proximité, estime le professeur lausannois.
Attirer et garder les cerveaux
D'autre part, la Suisse doit demeurer attractive. Et pas seulement du point de vue de la sécurité physique des personnes et des biens. « Aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement d'attirer les entreprises, mais aussi les meilleurs cerveaux », martèle Stéphane Garelli.
Or, dans notre pays, une erreur manifeste est commise à cet égard : les étudiants étrangers qui ont terminé leurs études sont priés de rentrer chez eux ! (Toutefois, une proposition de loi a été lancée en vue de changer cet état de choses.) Autre ratage : des cerveaux formés en Suisse restent très souvent aux Etats-Unis.
Autre mesure urgente à prendre : réduire le fossé entre le monde politique et celui de l'économie. Le second évolue de plus en plus vite alors que le premier fait preuve d'une lenteur considérable. « C'est une tragédie, car en démocratie il n'est pas possible de se passer de la politique. En outre, les politiciens ne connaissent pas bien l'économie. Et ils sont chargés de légiférer
» Ils doivent donc mieux se former (et pas seulement à la buvette du Parlement), tâche titanesque, il est vrai.
Philippe Zutter, Entreprise romande, le 09.03.2001
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