Le tri des déchets commence aux WC

TOILETTES DU FUTUR: A l'avenir, les hommes seront priés de ne plus uriner debout. Un projet préconise la station assise... question d'écologie

Le dernier bastion de la masculinité va-t-il tomber? Uriner debout ne sera-t-il bientôt plus qu'un souvenir des temps anciens? A l'aube du IIIe millénaire, la question est d'actualité. Des scientifiques suisses préconisent le plus sérieusement du monde l'usage de nouvelles toilettes capables de trier excréments solides et urines. Inconvénient: ces WC du futur contraignent les utilisateurs à la station assise en toutes circonstances. Avantage: c'est le petit prix à payer pour améliorer la qualité des eaux de notre pays.
Ce projet scientifique a vu le jour il y a un an et demi à Dübendorf (ZH) au sein de l'Eidgenossische Anstalt für Wasserversorgung, Abwassereinigung und Gewässerschutz (EAWAG). Sous ce nom rébarbatif se cache l'institut fédéral en charge des problèmes d'eaux usées et de leur recyclage. L'idée de toilettes trieuses s'inspire de recherches suédoises et peut a priori sembler saugrenue. Mais on s'aperçoit vite que les enjeux écologiques qui s'y rattachent méritent d'être soigneusement étudiés.
Gaspillage d'or bleu
«Actuellement nos systèmes d'épuration recyclent à grands frais déchets solides et liquides, explique Max Maurer, un des responsables du projet à l'EAWAG. «L'assainissement des selles ne pose aucun problème. En revanche, nous gaspillons une quantité d'eau incroyable, environ 1,8 milliard de litres d'eau par année, pour diluer les composants évacués par l'urine tels que l'azote, des hormones naturelles ou même des traces médicamenteuses. Ce sont ces résidus qui engorgent les stations d'épuration et qui se retrouvent dans nos eaux. » Ces mêmes résidus qui sont à l'origine de la prolifération d'algues dans les lacs et qui provoquent vraisemblablement des mutations parmi les poissons.
-En triant les déchets humains à la source, s'exclame Max Maurer, nous poursuivons deux buts principaux. Il s'agit d'une part d'améliorer la qualité de nos eaux et, d'autre part, nous étudions la possibilité de collecter et de traiter l'urine pour en faire un engrais. L'idée n'est de loin pas nouvelle. Depuis des temps ancestraux, elle a été utilisée comme fertilisant, riche en phosphore. »
Combien peut coûter la réorganisation totale du système d'épuration des eaux en Suisse si urines et excréments doivent être dissociés à la source? Il est encore trop tôt pour le savoir. Mais, dans la mesure où il est question d'investir 50 milliards de francs dans les STEP d'ici à 2035, l'étude de l'EAWAG mérite d'être prise en considération.
« Tout cela est encore de la musique d'avenir, précise Max Maurer. En l'état actuel, nous cherchons à évaluer l'attitude des consommateurs face aux nouveaux WC. Nous les testons déjà dans notre institut. D'autres vont être placés ces prochains jours dans un immeuble moderne de Zurich. Et d'ici à quelques mois, la future bibliothèque de Liestal (BL) en sera également équipée. » Avis aux amateurs.

Le Matin, 11 août 2001 - Jean A. Luque