De l'herbe pour tenir chaud aux maisons. A Prez-vers-Noréaz, une maison est dotée depuis hier de murs bourrés d'herbe. Cette nouvelle technique d'isolation est utilisée pour la première fois en Romandie.

A près «la petite maison dans la prairie», voilà la prairie dans la maison! Dans ses murs tout du moins: la demeure que construisent Alexandre et Véronique Robatel à Prez-vers-Noréaz est isolée depuis hier avec du «gratec», une matière à base de fibre d'herbe. Cette matière innovante équipe déjà une douzaine d'habitations en Suisse alémanique. Mais eu Romandie, c'est une première.

Obtenu grâce à un traitement par bactéries de l'herbe, le gratec est injecté dans les murs par un système de soufflerie. Ce matériau écologique permet d'obtenir une isolation de même qualité que des matériaux habituels comme la laine de verre. «Mais la maison respire mieux», estime Véronique Robatel, qui se sent «comme dans un sac en plastique» dans une demeure isolée de manière traditionnelle. Une alternative plus répandue en Suisse romande aurait été l'Isofloc, une matière isolante à base de papier recyclé.

Tous deux chimistes de formation, les époux avouent pourtant être particulièrement sensibles aux produits chimiques. Une maison construite avec des matériaux classiques dégage des odeurs synthétiques qui les dérangent. «Une maison, c'est un peu comme une troisième peau, » résume Véronique. D'où l'importance pour ce couple qui tient maintenant un magasin d'alimentation biologique à Fribourg d'utiliser un maximum de composants naturels.

ÉCOLOGIE À TOUS LES ÉTAGES

Dans ce bâtiment qui sera achevé en août, il n'y a pas que l'isolation qui soit écologique: les murs intérieur sont constitués de briques d'argile afin de réguler le taux d'humidité. Montée en une seule journée, la structure consiste en plusieurs éléments de bois massif. Elle utilise le moins de béton possible, tandis que les murs sont enduits de crépi naturel, sans solvant. Enfin, les câbles électriques sont blindés pour éviter les effets des champs magnétiques. Les toilettes et la buanderie seront alimentées en eaux de pluie, et l'eau est chauffée au solaire.

Pour le chauffage, un fourneau i bois suffit à maintenir une bonne température dans tout l'espace habitable. Seule l'électricité est obtenue de manière traditionnelle, pour des raisons de coût. Une valeur essentielle aux yeux du couple. «S'il n'avait pas été possible de faire une maison écologique, nous aurions tout simplement renoncé à construire», confie Alexandre Robatel.

Une folie, cette demeure qui aime la nature jusque sur son toit qui se couvrira de plantes? Les frais varient selon la surface habitable et en fonction des aménagements intérieurs, estime Alexandre Robatel: pas besoin de faire dans le luxueux. «C'est un peu plus cher qu'une villa mitoyenne clés en main», résume-t-il. «Mais le coût reste dans un ordre de grandeur comparable à celui d'une construction plus conventionnelle».

Le gratec: un procédé novateur

Fondée en 1996, 2B Biorefineries est une jeune entreprise en biotechnologie basée à Dübendorf, dans le canton de Zurich. Ses chercheurs ont mis au point un procédé bactérien permettant de transformer de l'herbe ordinaire en produit fibreux isolant, le gratec. Ce matériau est fabriqué industriellement depuis 2000. Soutenue à ses débuts par l'Office fédéral de l'environnement, l'entreprise occupe actuellement 12 employés. Le processus convertissant l'herbe en isolant dégage du gaz biologique qui peut être utilisé comme combustible ou pour générer de l'électricité. Ainsi, la société zurichoise vend du courant à la ville de Schaffhouse, mais c'est du commerce du gratec que 2B Biorefineries tire sa principale source de revenu. Enfin, le résidu de la transformation de l'herbe est utilisé comme protéines pour nourrir le bétail. La chaleur dégagée par le processus est mise à profit pour sécher le gratec. Aucun produit chimique n'est utilisé dans le processus, et aucun déchet n'est créé par cette technique. Bref, ce procédé tire profit de toutes les ressources d'un végétal très courant et facile à cultiver.

Marc-André Schneider, La Liberté, 11.06.2002