Véhicules à moteurs linéaires: les roues sont sans importance. Swissmetro est une idée qui court toujours sous terre; elle refait même surface en Chine et aux Etats-Unis. En septembre dernier, plus de deux cents experts internationaux se sont penchés sur le projet suisse et ses variantes dans d'autres pays. Accueilli à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, ce congrès mondial sur les systèmes Maglev et les moteurs linéaires a mis en évidence une source d'innovations scientifiques et industrielles encore peu exploitée. Depuis trois décennies, les spécialistes des transports s'intéressent aux transferts d'énergie par induction, avec le rêve d'utiliser des véhicules sans roues, sous terre ou en surface selon les cas. A Washington, la Federal Transit Administration accélère dans son programme TEA-21 "afin d'assurer un nouveau moyen de transport de masse interurbain". Le dossier suscite à nouveau un fort intérêt depuis que l'avion est devenu moins sûr pour cause d'attentats. En parallèle, la société américaine Magnetrans étudie la version super-train de marchandises. Même le Brésil pousse ses recherches en direction de la lévitation et de la traction magnétiques. Depuis 1997, la Central Japan Railway Company teste un prototype en vraie grandeur sur une ligne spéciale. Les 210 000 kilomètres parcourus à plus de 500 km/h ont permis de mettre au point des véhicules de deuxième génération. En 2005, il sera possible de tester la première application grand public à l'exposition mondiale de Nagoya. L'immense Chine a besoin de transports terrestre et sa très officielle académie des sciences croit aux vertus de l'électromagnétisme. A cet égard, elle travaille en étroite coopération avec l'Allemagne, notamment dans la région de Shanghai. Berlin assure le transfert de technologie et Bejing organise la production sur place de la plupart des éléments, selon les explications de l'ingénieur Eberhard Grossert. Siemens est déçue que le gouvernement allemand ait finalement abandonné le projet de ligne Berlin-Hambourg, mais d'autres projets régionaux fleurissent, sous la houlette du ministère fédéral des transports, en particulier dans la région de Munich. Cela fait dix ans que des experts helvétiques planchent sur Swissmetro, dont le concept général n'a pas changé: un long véhicule abritant 200 personnes et filant dans un boyau étroit partiellement sous vide d'air. "Nous avons désormais un produit technologiquement capable de répondre aux marchés du transport de passagers à haute vitesse", s'enthousiasme Michele Mossi, de GESTE Engineering, à Lausanne. On se concentre maintenant sur les 89,1 km d'une ligne Bâle-Zurich dont on espère encore l'ouverture en 2020. Les études montrent qu'elle pourrait acheminer jusqu'à 85 000 personnes par jour en 2040, avec un profit oscillant entre 3,6 et 6,4% selon les scénarios retenus. Il n'y a pas de problèmes géologiques particulier dans la zone considérée. "Un Eurometro pourrait même se révéler cinq fois plus efficace que le transport aérien", estiment Jens Geisel et Christian Lauenberger, de l'Université de Berne. "Les moteurs linéaires et la lévitation permettent également d'aller beaucoup plus vite en utilisant la même quantité d'énergie qu'un TGV classique". Le projet helvétique fascine jusqu'en Ukraine, dont l'Université nationale technique étudie divers aspects des forces magnétiques à mettre en uvre. Les moteurs linéaires à induction ouvrent des perspectives en matière de formation: "Beaucoup de jeunes se désintéressent actuellement de l'ingénierie électrique au profit des technologies de communication et de l'informatique. Or, l'industrie a besoin de tels ingénieurs. Le moteur linéaire pourrait réactiver leur intérêt", analyse Jean-Marc Strubin, chercheur à l'EPFL. D'autre part, il faut tenir compte du capital d'expertise accumulé. Quelque deux cents entreprises, bureaux d'ingénieurs et laboratoire ont déjà uvré pour le projet Swissmetro. Un dossier crédible mais malaimé? A la haute école fédérale, on nuance: "Au-delà de la rupture technologique, il y a le réel défi de gérer ces réseaux entre les opérateurs et les fabricants", estime Guillaume de Tillière et Vincent Bourquin. Maurice Satineau, Entreprise Romande, 15.11.2002 |
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