Les fissures détectées en direct et à distance La préfecture de Moselle a décidé vendredi dernier d'interdire la circulation dans le sens Metz-Sarrebruck sur le viaduc autoroutier de Merlebach. Un dispositif de télésurveillance de l'usure des structures de cet ouvrage d'art a en effet mis en évidence une dégradation des poutres qui supportent le tablier. Première étape d'un chantier prévu pour durer plusieurs mois, des câbles extérieurs seront tendus pour conforter ces poutres. Environ 8'000 véhicules empruntent chaque jour l'autoroute A 320 qui franchit la rivière Rosselle grâce à ce viaduc. La surveillance à distance des ouvrages d'art s'est développée ces dernières années. Aujourd'hui, grâce à l'informatique, et Internet, la moindre fissuration peut être détectée en temps réel. « Mieux vaut prévenir que guérir. » La maxime populaire a également cours dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Les opérations de maintenance sur une enceinte de confinement de centrale nucléaire ou les interventions de réparation sur un ouvrage autoroutier coûtent toujours très cher aux exploitants ou aux concessionnaires, eu égard aux pertes générées par un arrêt d'exploitation ou une simple interruption de trafic. Sans parler des cas extrêmes où une pathologie, non mise en évidence, peut provoquer la ruine pure et simple d'un ouvrage, comme au pays de Galles, en 1985, avec l'effondrement du pont routier d'Yns-Y-Gwas. Explication a posteriori : une défaillance du système de précontrainte suite à un problème de corrosion avancée des câbles. D'où l'intérêt de détecter en amont les signes ou les événements précurseurs susceptibles de compromettre, à plus ou moins longue échéance, la pérennité des ouvrages ou des édifices. Il existe aujourd'hui des méthodes d'auscultation non destructives capables donc de voir l'invisible et prévoir l'imprévisible, à l'instar du procédé « Soundprint » de la société francilienne Advitam. L'idée ? Ecouter l'intimité structurelle des ouvrages par l'intermédiaire d'un réseau de microphones implantés sur des zones stratégiques de l'ouvrage à surveiller. « Tout fait du bruit, explique Jérôme Stubler, directeur de la jeune société. Chaque événement (rupture de fil, fissuration du béton, corrosion d'une armature, choc, nuisance vibratoire) libère en effet une énergie propre, donc une onde sonore spécifique qui constitue, en quelque sorte, sa signature acoustique. » Tout ceci n'a d'intérêt, bien entendu, que si le système est capable d'extraire du magma sonore les empreintes significatives, à l'image du travail effectué par les « oreilles d'or » dans un submersible. Seule différence : le sous-marinier est remplacé par un logiciel informatique capable d'identifier plus de 22 signatures caractéristiques. Dans la pratique, les capteurs sont reliés à une centrale d'acquisition implantée à proximité de l'ouvrage à surveiller. Celle-ci effectue un premier traitement afin d'éliminer les bruits correspondant au fonctionnement normal de la structure (passage de poids lourds, battement de dalles). Les événements jugés anormaux sont envoyés, en temps réel, via Internet au serveur d'analyse central, les signaux étant alors analysés et décortiqués par des ingénieurs acousticiens au moyen d'un logiciel spécifique qui les classifie en fonction de divers paramètres : date, heure, minute, origine, axe principal du départ de l'onde. Ce système, d'ores et déjà en vigueur sur le dôme du stade de Calgary au Canada et sur une conduite d'adduction d'eau en Afrique du Nord, serait en cours d'implantation sur un certain nombre de ponts hexagonaux dont au moins un en Ile-de-France, dont les noms restent confidentiels. Les constructeurs craignent d'inquiéter le public qui selon eux confondrait surveillance sophistiquée et risque. Philippe Donnaes, Le Figaro, 01.07.2002 |
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