En France, acheter des copies peut coûter très cher. Les publicités placardées depuis le mois de juin dans les aéroports français ont de quoi donner des sueurs froides. Et c'est le but. Imaginez: Madame rentre de ses vacances à Pukhet avec une copie, très bien imitée, du dernier sac Vuitton à la mode (l'imprimé Murakami, avec les petites fleurs). Un poster tout à fait explicite l'accueille au passage de la douane: "Pour 20 euros seulement, devenez receleur", promet le texte accompagné de la photo d'un faux Chanel matelassé. Ou encore: " Si vous êtes pris la main dans un faux sac, vous risquez de vrais soucis", menace l'affiche montrant une besace Dior plagiée sous les tropiques. Bref, cet été, en passant par Nice, Pointe-à-Pitre ou Paris, il y aura de quoi frémir. Car les Français ne rigolent plus: " La contrefaçon n'est pas un faux problème, rappelle l'actuelle campagne d'affichage. La loi prévoit jusqu'à 300'000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement." A la veille des vacances d'été, période plus que propice à l'achat de copies en tout genre de Rimini à Bobo-Dioulasso, et à l'occasion de la troisième journée mondiale anti-contrefaçon (c'était le 19 juin) les grands du luxe français ont décidé de sensibiliser l'opinion. Particulièrement touchés par ce "fléau", Vuitton, Dior, Chanel, Cartier et Hermès, réunis au sein du Comité Colbert (association de défense et promotion du luxe français) et défendus par le comité national anti-contrefaçon, passent M'offensive. Si, longtemps, le sujet des imitations est demeuré tabou - seul Cartier en avait fait une affaire médiatique en pulvérisant un stock de fausses montres au rouleau-compresseur - aujourd'hui, on parle pour mieux dénoncer " un mal d'une ampleur énorme", comme le fait Olivier Dupont, directeur de LVMH Fashion Group pour la Suisse. Et le mal est effectivement gigantesque. Les chiffres, communiqués par l'Union (française) des fabricants, qui lutte pour la protection internationale de la propriété intellectuelle et contre la contrefaçon, ces chiffres, donc, parlent d'eux-mêmes. Le nombre de faux saisis en Europe a bondi de 900 % entre 1998 et 2001, pour dépasser les 100 millions d'articles. En 2002, les seules douanes françaises (plus que jamais sur le qui-vive) ont intercepté 1'272'433 produits pirates. Et cette année, de janvier au 15 mai, elles ont stoppé près de 1 million de faux, soit une hausse de près de 180 % par rapport à la même période de 2002. Marc Antoine Jamet, président de l'Union des fabricants, rappelle également que "la contrefaçon représente 5 à 9 % du commerce mondial et son coût social est une perte de 200'000 emplois par an, dont 38'000 pour la France." Cette campagne de communication se veut être "une prise de conscience": "Les consommateurs doivent savoir que la contrefaçon est toujours le résultat d'une exploitation, qu'elle soit celles d'enfants ou d'adultes dans le tiers-monde. Que le faux touche désormais tous les secteurs de la consommation, 35 % des CD, les pièces détachées de voitures ou les trains d'atterrissage d'avions, 12 % du commerce mondial des jouets, mais aussi les médicaments, qui tuent." Depuis 1995-96, les contrefacteurs se mondialisent et tissent leurs liens avec les mafias locales, en Europe aussi, de Naples à Anvers. En réponse, l'Europe crée une législation. En France, on poursuit aussi le consommateur qui, rentrant de villégiature avec un faux polo Lacoste, peut se voir obliger de "payer deux fois le prix de la valeur réelle" (pour un faux sac Fendi ramené de Malaisie, ça peut faire d'autant plus mal au porte-monnaie). En Suisse, les douaniers semblent beaucoup plus tolérants avec le vacancier, heureux de sa fausse montre Gucci ramenée de Dubaï. Dans les faits, clairement, inutile d'avoir les chocottes à la douane de Cointrin ou Kloten. "S'il ne s'agit pas d'un trafic, on ne risque rien, assure Daniel Monney, chef du contrôle des métaux précieux, à la direction générale des douanes à Berne. Je ne connais aucun cas qui se soit terminé par une amende. La douane française est autrement sévère." " Un t-shirt à deux francs acheté sur la route à Bangkok, ça ne nous intéresse en principe pas", corrobore son collègue Roland Hirt, chef de la section procédure douanière. En Suisse, pour qu'il y ait interception de faux (en gros ou très gros), il faut que la marque concernée fasse une "demande d'intervention active" auprès de la douane. Ce qui est le cas, actuellement, d'une "vingtaine" de grands noms, parmi lesquels Adidas, Hugo Boss, Levi's, Chanel, Corum, Rolex, Gucci, Tag Heuer et... Viagra! Pour renforcer la lutte, Louis Vuitton prévoit cette année "une formation pour les douaniers zurichois", annonce Olivier Dupont. Reste que si les marques helvétiques (Swatch, Victorinox...) sont de plus en plus copiées, les Suisses ne seraient pas si friands d'imitations, aussi réussies soient-elles. Car comme le suggère un responsable de nos douanes, "les Suisses préfèrent acheter du vrai". Florence Duarte, L'Hebdo, 10.07.2003 |
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