Sous le soleil, les réfrigérateurs de quatre ingénieurs du Laboratoire d'énergétique solaire et de physique du bâtiment ont apporté leur dernier bébé, le frigo solaire, au Burkina Faso. Dans notre société noyée dans le pétrole, les techniques solaires sont l'une des composantes du développement durable. Et bizarrement, faire du froid avec du chaud, ça fonctionne. Les quatre ingénieurs du Laboratoire d'énergétique solaire et de physique du bâtiment (LESBAT) à Yverdon-les-Bains y veillent. L'un d'entre eux, Julien Mayor, 26 ans, vient de réaliser à Ouagadougou avec son collègue africain Yacouba Tapsoba, du Centre écologique Albert Schweitzer local, un prototype avec des matériaux locaux. "Le frigo solaire est aussi notre bébé à nous, Africains, car c'est nous qui nous occupons de lui alors qu'il vient de naître et qu'il est encore très fragile. Nous devons lui accorder beaucoup d'importance, de rigueur et d'attentions", estime ce dernier joint par courriel dans la capitale burkinabée. Dans ce pays du Sahel, l'électricité reste une denrée très rare dans beaucoup de zones, poursuit-il. Le frigo solaire a donc un avenir lumineux, "car le soleil ici, même si on le vendait, reste une source d'énergie intarissable". Dans un premier temps, ce sont les centres de santé qui sont visés par le produit. "Pour avoir des vaccins dans tout le pays en bon état". Ce frigo, transportable, rend en effet possible les programmes de vaccination en brousse. "Ce transfert de compétences d'une part et l'appropriation technologique par les Africains d'autre part nous ont fait prendre le pas sur d'autres scientifiques", estime Julien Mayor. Sur le toit du bâtiment de l'Eivd (Ecole d'ingénieurs du canton de Vaud HES-SO), le prototype de référence a des airs de grand bahut, une surface de capteur de 2 m2, 350 litres de contenance. A Ouagadougou, le prototype réalisé a une surface de capteur de 1 m2 et 100 litres de contenance. "A nous de simplifier encore la technique, d'améliorer le produit jusqu'à le rendre plus fonctionnel", commente le jeune ingénieur. Le grand atout de la machine: elle marche à l'eau. Ou plus précisément: au silicagel et à l'eau selon le principe des cycles à absorption. Aucune pièce en mouvement, gage de fiabilité, aucune consommation d'énergie électrique pour son fonctionnement. En Afrique, un atelier de fabrication est prévu dans un délai de deux ans. "La motivation première du LESBAT est de former des ingénieurs chez nous, en Suisse, qui sachent travailler avec les techniques solaires, souligne à Yverdon-les-Bains le professeur et chef de l'équipe Philippe Dind. on doit enseigner les bases de l'énergie solaire, dans l'optique d'une société appelée à se tourner de plus en plus vers les énergies renouvelables. Cela dit, il est clair que le développement du frigo solaire concerne les régions où le réseau électrique n'existe pas. Et si les énergies renouvelables ne jouent encore qu'un rôle modeste dans nos pays, il est important que les pays du Sud y aient accès le plus vite possible, pour un développement durable". "Ce qui me motive, c'est précisément que les applications de l'énergie solaire se développent et que leur technique se diffuse", lui fait écho Julien Mayor. Pour Yacouba Tapsoba, ce transfert de technologies Nord/Sud est d'une importance capitale pour le développement de l'Afrique. Mais il estime que la balle est maintenant dans leur camp: "Tout produit fabriqué entièrement des mains des Africains permettra leur épanouissement", estime-t-il. Et leur autonomie. Selon une étude de marché effectuée par un consultant burkinabé auprès de plus de 242 clients potentiels - centres de santé, dispensaires, commerçants - le besoin en réfrigérateurs est réel, créant du coup un marché potentiel important. Au niveau sanitaire, certes, mais aussi au niveau agricole, les chambres froides permettant la conservation des plantons et de la pomme de terre. Gabrielle Desarzens, La Liberté, 21.01.2003 |
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