L'Université de Neuchâtel a développé une nouvelle méthode pour produire des capteurs photovoltaïque. A la clé, des applications industrielles prometteuses dont des cellules solaires souples aux usages multiples. La Suisse se retrouve ainsi bien placée dans un marché solaire au potentiel énorme. "Le soleil n'envoie pas de facture", dit le slogan d'un site Internet sur l'énergie solaire. En revanche, capter cette énergie n'est pas gratuit. Produire des cellules photovoltaïques a pour l'instant un coût élevé, notamment énergétique. Mais cela va changer. Les travaux menés à l'institut de micro-technologie (IMT) de l'université de Neuchâtel ont en effet porté leurs fruits. Avec son équipe, le professeur Arvind Shah a en effet développé un nouveau procédé de production, à l'issue de plusieurs années de recherche. La nouvelle méthode permet de produire des capteurs photovoltaïques à des coûts avantageux, ce qui augmentera d'autant la compétitivité du solaire. De plus, l'IMT a trouvé un partenaire au rôle essentiel, le groupe Unaxis, né de la restructuration d'Oerlikon-Bührle. Basé à Pfäffikon, ce groupe se charge de développer les machines qui permettront une production à l'échelle industrielle. Les cellules photovoltaïques traditionnelles, ce sont en fait des plaques de silicium d'environ 300 microns prises en sandwich entre deux plaques de verre. De telles cellules sont évidemment rigides et fragiles. De plus, elles utilisent beaucoup de silicium. Le procédé de fabrication exige une température de plus de 1'000 °C et la croissance des cristaux de silicium est lente. Le procédé amélioré par l'Université de Neuchâtel est connu de longue date. Il consiste à déposer une très fine couche de silicium - moins d'un micron - sur une plaque de verre. Pour cela, on utilise un plasma de silane, un mélange gazeux de silicium et d'hydrogène. Mais cette méthode de fabrication est également très gourmande en énergie. La nouveauté développée par les chercheurs de l'IMT consiste à utiliser des hautes fréquences dans la bande "VHF" (Very High Frequencies), afin d'augmenter la vitesse de dépôt du silicium. Résultat: la production revient moins cher. On travaille aussi avec des températures plus basses et ce procédé de fabrication réclame beaucoup moins d'énergie que la méthode traditionnelle. "Avec les cellules photovoltaïques actuelles, il faut cinq à sept ans d'utilisation pour récupérer l'énergie investie", explique le professeur Arvind Shah. Un laps de temps considérable, surtout lorsqu'on considère que la durée de vie d'une cellule photovoltaïque est d'environ vingt ans. Avec la méthode mise au point par l'IMT, on peut récupérer l'énergie investie en six mois, voire un an, et cela dans un pays à ensoleillement moyen comme la Suisse. "Dans les pays du Sud, on va rentabiliser ces cellules deux fois plus vite", note Arvind Shah. C'est là qu'Unaxis entre en scène. Le groupe est en effet numéro 2 mondial dans la fabrication des machines qui servent à produire les écrans LCD, c'est-à-dire les écrans plats pour les ordinateurs, téléphones portables ou téléviseurs. Concrètement, la production des écrans plats se fait grâce au dépôt d'une fine couche de silicium. Une technique très proche de celle développée par le professeur Arvind Shah et son équipe pour transformer une plaque de verre en capteur photovoltaïque. En collaborant avec Unaxis, l'IMT évite ainsi de partir de zéro pour développer les machines adéquates. Il suffit de modifier les machines existant pour la fabrication d'écrans. De plus, les gros investissements nécessaires reposent sur Unaxis et pas sur l'IMT qui n'en aurait pas les moyens. De son côté, Unaxis y trouve également son intérêt. Pour l'instant, le marché du solaire est encore marginal au niveau mondial. Mais le potentiel de développement est gigantesque. "Dans dix ans, ce marché sera aussi important que celui des écrans d'ordinateurs", estime Arthur Buechel, qui dirige le développement des nouvelles machines chez Unaxis. Dans un an, la société veut avoir développé les appareils capables de déposer une couche de silicium amorphe et, dans deux ans, ceux qui seront capables de rajouter une seconde couche de silicium microcristallin. Cette association permet en effet d'obtenir des cellules solaires dites micromorphes, qui ont un rendement supérieur aux cellules solaires utilisant uniquement du silicium amorphe. L'IMT joue ici un rôle central puisqu'il est pionnier dans l'utilisation de fines couches de silicium microcristallin. Grâce à cette utilisation de silicium microcristallin, on peut obtenir des cellules solaires en couches minces qui convertissent 8 % à 9 % de l'énergie solaire en électricité, au lieu des 5 % à 7 % actuels. L'EPFL participe aussi à cette aventure à travers son Centre de Recherches en Physique des Plasmas. Ce centre étudie depuis plus de dix ans le traitement des plasmas industriels et possède une longue expérience dans le domaine des couches de silicium déposées par plasma pour la réalisation de cellules solaires et d'écrans plats. Le procédé mis au point par l'IMT a déjà conduit à la fabrication de cellules solaires d'un nouveau type: des cellules souples, produites pour l'instant au Locle par VHF technologies. Fondée en 2000, l'entreprise va déménager à Yverdon en juin prochain afin de lancer la production à l'échelle industrielle. Comme le procédé inventé par l'IMT se fait à basse température, cela permet de déposer le silicium sur des films plastiques au lieu de le déposer sur des plaques de verre. Baptisés Flexcell, ces capteurs d'un nouveau genre se prêtent à de multiples usages. Une des utilisations possibles consiste à appliquer ces cellules sur des textiles, que ce soit des habits, des tentes ou encore des sacs à dos. Cela permet entre autres de produire des vêtements qui intègrent de l'électronique. VHF technologies vend ainsi ses Flexcell à une société qui fabrique des ceintures avec un téléphone portable pour les snowboarders. Autre utilisation: ces cellules souples sont utilisées pour les appareils en plein air ayant des batteries qui peuvent être rechargées "systèmes d'alarme, caméras vidéo de surveillance, stations météorologiques ou encore paratonnerres". La troisième grande application concerne les chargeurs solaires pour téléphones ou ordinateurs portables. "Nous avons un fichier de 200 clients industriels et nous espérons en livrer une trentaine d'ici à la fin de l'année", note Alexandre Closset, directeur de VHF technologies. Le domaine spatial représente un autre marché à conquérir. L'alimentation des satellites est en effet entièrement réalisée grâce aux panneaux solaires. La légèreté des cellules souples vaut ici son pesant d'or, lorsque l'on sait que la mis en orbite d'un seul kilo de matériel compte près de 10'000 dollars! La jeune entreprise a d'ailleurs décroché un contrat avec l'Agence Spatiale Européenne pour développer une structure solaire gonflable. Revenons sur terre où les cellules souples sont également une bonne affaire. On peut en effet les stocker et les transporter sous forme de rouleaux sans risque de casse, au lieu d'avoir des modules fragiles et encombrants. Une solution idéale pour livrer de vastes surfaces de capteurs photovoltaïques dans des villages reculés du Sénégal, par exemple. De façon générale, le solaire est intéressant pour tous les endroits isolés où il est soit impossible soit trop cher de tirer des lignes électriques, comme les cabanes de montagne. En forte croissance, VHF technologies prévoit un chiffre d'affaires de l'ordre de 3 millions de francs en 2004. "A plus long terme, nous comptons arriver à un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions de francs pour les applications spécifiques sans fil", indique Alexandre Closset. En revanche, le solaire à grande échelle reste pour l'instant de la musique d'avenir. Pourtant, le potentiel est bien là, d'autant plus que certaines applications du photovoltaïque sont en phase avec l'ensoleillement. Ainsi, aux Etats-Unis, la consommation d'énergie atteint des pics en été, lorsque l'air conditionné tourne à plein régime et que par conséquent l'ensoleillement est maximal. Autre exemple, les pompes d'irrigation, que l'on active justement lorsque le temps est au beau fixe. C'est également une technologie particulièrement intéressante pour les pays du Sud. "En Inde, un tiers de l'électricité est utilisée pour l'irrigation, note le professeur Arvind Shah. Faire fonctionner ces pompes au solaire serait très intéressant et nécessiterait peu de surface." Cela dit, beaucoup d'applications, surtout dans les pays de l'hémisphère nord, doivent résoudre le problème fondamental du décalage entre offre et demande. En matière de chauffage par exemple, le soleil brille surtout en été alors qu'on utilise beaucoup plus d'électricité en hiver. Un des moyens de contourner le problème serait de coupler les installations solaires avec les barrages. Ainsi, on profiterait de l'été pour pomper un maximum d'eau dans les barrages afin de faire tourner les turbines du barrage à plein régime en hiver, lorsqu'on a le plus besoin d'électricité. Pour l'instant, l'importance du solaire reste négligeable et se limite à des installations pilotes. Pourtant, le photovoltaïque permettrait de couvrir une grande partie de nos besoins en électricité. L'Agence Internationale de l'Energie (AIE) a mené une étude très détaillée en Suisse en prenant en compte uniquement les surfaces des bâtiments existants. Outre les bâtiments classés dont l'apparence ne peut être modifiée, ont été exclues toutes les surfaces mal orientées ou les maisons situées dans l'ombre d'un immeuble. Restent les surfaces disponibles, qui permettraient de couvrir 34,6 % des besoins en électricité. Le score est encore plus impressionnant aux Etats-Unis, où le solaire pourrait couvrir 57,8 % des besoins en électricité, toujours selon l'AIE. "Le problème du photovoltaïque ne se situe pas au niveau du prix, mais à celui des surfaces disponibles", relève Diego Fischer, co-fondateur de VHF technologies. De fait, le kilowattheure revient entre 5 et 10 centimes lorsqu'on le produit à partir d'énergies fossiles comme le pétrole, et encore un peu moins en utilisant un barrage amorti depuis longtemps - entre 4 et 5 centimes le kwh. Le prix du photovoltaïque, lui, se situe pour l'instant entre 80 centimes et 1 franc le kwh. "On espère diviser ce prix par deux dans un moyen terme", relève Arvind Shah. De plus, les calculs de prix du kwh ne prennent pas en compte les coûts externes des énergies fossiles. Il y a la pollution tout d'abord et le fait qu'il s'agit d'énergies non renouvelables qui finiront par s'épuiser. A cela on peut aussi ajouter certains conflits tels que la récente guerre en Irak, motivée en grande partie par des enjeux pétroliers. A l'inverse, le silicium possède deux avantages majeurs: non toxique, il est également très abondant puisque le sable est composé en grande partie de silicium. De plus, le solaire permet de produire infiniment plus d'énergie à partir d'une même quantité de matière, comme l'explique Alexandre Closset: " Un kilo de silicium converti en cellules solaires sur film plastique permet de produire 1 million de kwh alors qu'avec un kilo de pétrole, on ne produit que 10 kwh"! Thermique et photovoltaïque Le terme général de capteurs solaires recouvre deux types d'installations très différentes que l'on confond parfois et qui ont comme seul point commun d'utiliser le soleil. Le premier type de capteurs est thermique. Là, le principe consiste à pièger la chaleur du soleil grâce à un revêtement adéquat. A l'intérieur du capteur on trouve des tuyaux dans lesquels circule de l'eau qui chauffe grâce à l'effet de serre produit. Il ne reste alors plus qu'à acheminer cette eau vers des radiateurs par exemple. Les capteurs thermiques reposent sur une technique de base simple et on peut apprendre à en bricoler soi-même. Les cellules photovoltaïques, en revanche, reposent sur un principe tout différent puisqu'elles convertissent l'énergie solaire en électricité. On utilise le silicum pour ses propriétés électroniques. En le dopant d'autres atomes, bore et phosphore par exemple, on obtient une couche de silicium chargée négativement. Résultat, un champ électrique se crée entre les deux couches. En y ajoutant des contacts métalliques on obtient un diode. Il suffit alors d'activer cette diode grâce à la lumière pour obtenir un courant continu. On sait fabriquer de telles cellules photovoltaïques depuis longtemps, mais le grand défi aujourd'hui, c'est de mettre au point des techniques de production moins chères et plus rapides, afin de rendre le solaire plus compétitif. Ca roule pour le solaire Le solaire à grande échelle relève encore de l'avenir, mais certaines installations importantes ont déjà prouvé leur efficacité. Les transports publics mus par un courant continu à basse tension se prêtent particulièrement bien à une liaison directe avec des installations photovoltaïques. De plus les pointes de trafic ont lieu durant la journée, ce qui tombe bien. Les transports publics genevois (TPG) ont ainsi installé une centrale photovoltaïque sur le toit de leur centre de maintenance à la Jonction. En place depuis plusieurs années, cette centrale fourni 1 % du courant utilisé par les trams et trolleybus des TPG, ce qui n'est pas négligeable vu l'ampleur du réseau genevois. Hélène Koch, Market Magazine, juillet-août 2003 |
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