L'eau douteuse, désinfectée grâce au soleil, devient très vite potable

La recherche suisse a mis au point une méthode facile et gratuite qui peut fournir de l'eau consommable aux pays en développement. La Migros est prête à se mouiller.

La désinfection solaire: c'est la méthode facile et pas cher qu'un centre de recherche suisse a mis au point pour améliorer la qualité de l'eau. Source de vie, l'or bleu peut aussi devenir fatal. Un décès sur trois dans les pays en développement est causé par des maladies qui lui sont liées. Chaque année, on recense quatre milliards de diarrhées, dont 2,2 millions sont mortelles. Le projet sera présenté à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau lundi 22 mars prochain.

Le système de désinfection a été mis au point par le laboratoire fédéral EAWAG (pour l'approvisionnement, l'épuration et la protection des eaux) sous le label SODIS: remplissez une bouteille en PET transparente et placez-la sur le toit de la maison durant six heures. Le tour sera vite joué: la chaleur et les rayons UV-A auront tué les agents pathogènes.

Cette méthode est appropriée, surtout lorsque les combustibles pour chauffer l'eau manquent ou pèsent trop sur les budgets. SODIS s'adresse donc aux pays en développement où se trouve la majorité du milliard d'êtres humains privés d'eau potable. Le système a été élaboré il y a dix ans mais son application est assez nouvelle. Il est utilisé à petite échelle depuis six ans en Amérique latine et depuis peu au Népal, explique Franz Gähwiler, responsable des infrastructures rurales d'Helvetas. Cette ONG lance en collaboration avec la Migros une vaste campagne sur cinq ans pour implanter SODIS dans quatre pays d'Asie dont le Vietnam. C'est avant tout d'un travail d'information et de sensibilisation dont il s'agit.

Car les problèmes liés à l'eau ne se régleront pas d'un coup de bouteille magique. Gähwiler souligne que SODIS n'élimine pas les pollutions chimiques. C'est pourquoi il faut inviter les populations à préserver leurs ressources en eaux. Par exemple, en expliquant aux paysans les effets négatifs des engrais chimiques. Parallèlement, Helvetas concentrera ses efforts sur l'amélioration de l'hygiène. Car il ne sert à rien de boire de l'eau désinfectée dans un verre sale!

Paradoxalement, la simplicité de SODIS constitue un obstacle. "Les autorités sanitaires peinent à croire que ça fonctionne", confie Gähwiler, qui assure que, si l'on respecte quelques recommandations, toutes les bactéries et les virus sont tués. De plus, les responsables gouvernementaux ne voient pas d'avantages politiques ou financiers dans un projet aussi bon marché. Car il n'y a aucune infrastructure à construire.

En finançant le programme à hauteur de 1,5 million, Migros contribue "à l'amélioration de la qualité de vie des hommes, comme le formulent ses lignes directrices", justifie Armin Meier, membre de la direction. Helvetas est déjà soutenu par le géant orange, qui commercialise du coton bio provenant du Mali. LONG ne risque-t-elle pas d'être récupérée par une entreprise qui serait soucieuse avant tout de son image? Gähwiler se veut rassurant: "Migros nous a prouvé qu'elle est engagée dans la responsabilité sociale."

Comment ça marche?

En exposant pendant six heures une bouteille d'eau insalubre au soleil, la radiation et la température détruisent les organismes microbiologiques pathogènes. Pour que les UV-A soient efficaces, l'eau doit être relativement claire, la bouteille en PET transparent et sans trop de rayures. Par temps couvert, l'exposition doit être prolongée à deux jours. La méthode fonctionne même dans nos Alpes. Sur le site www.sodis.ch, on trouve d'autres recommandations pour optimiser et garantir le résultat. Attention aussi à l'effet loupe: ne posez pas votre bouteille sur une surface inflammable!

Rachad Armanios, La Liberté, 03.2004