Comment les administrations publiques peuvent-elles relever le défi de l'amélioration des prestation dans un contexte de complexité croissante et de contraintes budgétaires, réglementaires ou administratives de plus en plus exigeantes ? L'innovation, planche de salut pour le secteur public ? "Les fonctionnaires sont incapables d'innover". Cette remarque correspond à un mythe malheureusement trop répandu. Il postule que l'innovation est exclusivement réservée au secteur privé, seul terreau propice à la prise de risque et au changement. La réalité est heureusement différente. Lorsqu'on leur en donne les moyens, les collaborateurs du secteur public sont non seulement parfaitement capables d'innover, mais aussi de gérer les risques de changement. Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment le Dr Thorin a amélioré l'efficacité et la coopération des équipes des salles d'opération et de stérilisation de l'hôpital de Fribourg. Il n'a pas hésité à innover après avoir pris conscience de la nécessité d'améliorer le niveau de stérilisation des instruments, tout en réduisant les coûts de fonctionnement. Il a non seulement identifié une opportunité d'amélioration, mais il l'a concrétisée en intervenant, avec beaucoup de satisfaction, comme agent du changement au sein d'une institution publique. Du souhaitable au possible Ce qui caractérise en effet l'innovateur, c'est sa capacité à identifier une opportunité (un besoin), à en analyser le potentiel et enfin à l'exploiter par le biais d'une innovation. Donc, en l'absence de besoin, pas d'opportunité et en l'absence d'opportunité, pas d'innovateur. L'innovateur concrétise son innovation en devenant entrepreneur. Prendre l'initiative de satisfaire un besoin correspond en effet à un comportement typiquement entrepreneurial (= saisir une opportunité, comme par exemple faire mieux à un coût inférieur.) L'intrapreneur est celui qui exploite une opportunité dans le cadre de l'organisation pour laquelle il travaille, par opposition à entrepreneur qui exploite l'opportunité de manière indépendante. La mise en oeuvre de l'innovation dans les grandes organisations a même un nom, on parle d'intrapreneurship. L'intrapreneurship social recouvre, lui, les initiatives intrapreneuriales sans but lucratif et s'exprime essentiellement dans les administrations publiques, les organisations internationales ou le secteur associatif. Le WWF vient par exemple de lancer un partenariat avec le groupe Lafarge pour l'aider à réduire de 10 % les dommages environnementaux causés pare cimentier. Cette démarche innovante, associant une entreprise à but lucratif à une association de protection de l'environnement, a eu pour effet d'améliorer le standard de référence pour les autres grandes entreprises de la branche, en faisant passer la réduction de 5 à 10 %. Le WWF atteint ainsi les objectifs environnementaux qu'il s'est fixés en dégageant de surcroît une substantielle source de revenu complémentaire, tandis que Lafarge y trouve également son compte. Le secteur public est réceptif à l'innovation L'identification des opportunités et la capacité à innover ne sont donc pas l'apanage du secteur privé. Les collaborateurs du secteur public sont parfaitement capables d'innover. Ils sont seulement freinés d'abord par la méconnaissance des conditions de succès et des outils de l'intrapreneurship social et ensuite par la résistance au changement caractéristique des grandes organisations. L'expérience a toutefois montré que, si le processus de saisie des opportunités est structuré, une dynamique de progrès se met en marche sans pour autant titiller le système immunitaire de l'organisation. Contrairement à une autre idée reçue, l'intrapreneur, tant public que privé, peut aussi profiter du succès de son intraprise. Il est en effet possible de mettre en place des mécanismes qui récompensent les intrapreneurs, y compris des avantages non financiers. L'intrapreneurship est un moyen de développer sa carrière sans rendre des risques comparables à ceux, beaucoup plus élevés, inhérents au secteur privé. Le problème est que, souvent, les cadres se lancent dans un projet innovant sans grille d'analyse, sans évaluer tous les risques. Et leur hiérarchie les sanctionne. L'intrapreneurship est donc à la portée de n'importe quel cadre de grande entreprise ou administration, à condition de savoir s'y prendre. L'intrapreneurship social a, quant à lui, des règles et des stratégies de mise en oeuvre adaptées. C'est d'autant plus important que le processus innovant ne saurait faire table rase de la réalité administrative, légale ou budgétaire. La gestion des opportunités C'est pour former les infrapreneurs aux outils favorisant l'exploitation des opportunités que le "Innovation by Opportunity" (IbOp) a été développé. Il réduit non seulement le risque d'échec, mais permet surtout à un plus grand nombre de collaborateurs de prendre des initiatives. L'Innovation by Opportunity aide ainsi les les intrapreneurs à:
Garder et motiver les meilleurs En contribuant de manière substantielle à augmenter la motivation des collaborateurs, l'Innovation by Opportunity agit donc aussi comme un facteur de motivation et de développement personnel. Les collaborateurs y trouvent leur compte, car ils peuvent ainsi non seulement montrer de quoi ils sont capables, mais aussi bénéficier, directement ou indirectement, du résultat de leur(s) initiative(s). L'encadrement y trouve aussi son intérêt car le fait de bénéficier d'innovations, sous contrôle et focalisées sur les objectifs de l'organisation, se traduit par une amélioration des prestations et, souvent, une réduction des budgets nécessaires. L'intérêt principal de l'Innovation by Opportunity est d'apporter une méthode structurée pour stimuler l'innovation et les comportements intrapreneuriaux tant dans le secteur public que dans le privé. Ce n'est probablement pas la seule, mais elle a au moins le mérite d'être simple à mettre en oeuvre: un séminaire de deux à quatre jours permet déjà des résultats mesurables, pour autant que la démarche soit réellement soutenue par la hiérarchie, voire le politique. Pour relever les multiples défis qui attendent les acteurs de la fonction publique et éviter une désertion des meilleurs, il est impératif de promouvoir les approches qui motivent et qui donnent des résultats concrets. L'innovation bien gérée est en fin de compte, pour le secteur public et les organisations à but non lucratif, un enjeu essentiel et une bonne manière de préparer un futur meilleur, malgré une tendance à la réduction des ressources disponibles. Raphaël Cohen et Sophie Florinetti, Entreprise Romande |
|