Recherche: la Suisse a du retard La croissance par l'innovation exige, outre une politique économique respectueuse des principes fondamentaux, une protection efficace de la propriété intellectuelle. A ce titre, il est important que la Suisse s'adapte aux standards internationaux, notamment à la faveur de la révision annoncée de la loi sur les brevets concernant la protection des inventions biotechnologiques, des méthodes commerciales et des logiciels. Ces dernières années, la recherche biomédicale a fait des progrès substantiels et surtout rapides. Or l'absence de réglementations claires a des effets de plus en plus négatifs dans ce domaine. Raison pour laquelle il nous faut d'urgence faire aboutir le projet de loi fédérale concernant la recherche sur l'être humain, actuellement en préparation, afin d'ancrer dans la loi des critères et restrictions bioéthiques et juridiques précis. Cela permettra à notre pays de protéger les droits humains de façon optimale tout en poursuivant de fructueuses recherches en médecine humaine. La nécessité d'une réglementation juridique s'impose aussi pour la raison que la Suisse accuse sur ce point un retard par rapport à la plupart des pays d'Europe occidentale, et que nos chercheurs doivent toujours s'appuyer sur des directives de droit professionnel ou d'autres recommandations peu contraignantes. Pour la Suisse, la recherche médicale de haut niveau revêt une importante primordiale. La loi sur la recherche embryonnaire, adoptée lors de la session d'hiver 2003, a vu son champ d'application réduit et s'est transformée en une loi sur la recherche concernant les cellules souches embryonnaires. La Suisse scientifique se félicite de ce texte, qui aménage des conditions-cadres prévisibles à cette recherche fondamentale porteuse d'avenir. II convient toutefois de l'intégrer rapidement et sans restrictions supplémentaires à la loi relative à la recherche sur l'être humain, afin de tenir compte de l'évolution fulgurante des technologies du vivant. Dans la loi suisse sur le génie génétique, qui est l'une des plus sévères du monde en matière d'applications du génie génétique dans le domaine non-humain, ont été fixés des principes clairs qui devraient donner de nouvelles impulsions à la recherche dans les domaines agronomique et de l'alimentation, et conforter la Suisse en tant que centre de recherches et place économique. D'autant plus incompréhensible, dès lors, apparaît l'initiative populaire dite "Stop OGM" déposée le 18 septembre 2003 par les Verts, les paysans bio, les protecteurs des consommateurs et des organisations de protection de la nature et des animaux, initiative qui réclame un moratoire de cinq ans sur l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture. Ce moratoire donnerait un mauvais signal pour la recherche et l'économie suisses. Même si l'on ne doit guère s'attendre dans les années à venir à des essais en plein champ de cultures commerciales d'OGM, il faut garder ouvertes les portes du génie génétique en tant que technologie du futur. Décréter une interdiction même limitée dans le temps créerait un particularisme helvétique qui mettrait la Suisse à l'écart des autres pays sur le plan technologique comme en termes de compétitivité. Marchés ouverts, concurrence et échanges extérieurs L'ouverture des marchés et la concurrence se conditionnent mutuellement. Ces deux facteurs assurent non seulement un flux constant d'innovations, mais aussi des gains de productivité qui se répercutent sous forme de prix avantageux sur les consommateurs et l'industrie de transformation. La loi révisée sur les cartels est entrée en vigueur le 1er avril 2004. En introduisant des sanctions directes ainsi que la règle du bonus et en étendant son champ d'application aux ententes verticales, elle durcit sensiblement le texte de loi précédent. La nouvelle loi prévoit aussi désormais la possibilité d'intervenir contre des pratiques de prix abusives liées à des produits protégés par un brevet. D'ailleurs, les importations parallèles sont déjà autorisées pour les produits protégés par le droit des marques et le droit d'auteur et dont le volume d'affaire est particulièrement important. Enfin l'entrée en vigueur de la loi sur les cartels renforcée ôte définitivement sa justification à la fonction du préposé à la surveillance des prix. Aucun autre pays européen ne connaît une telle institution. Sa création avait été justifiée en son temps par le manque de concurrence imputable en Suisse à la faiblesse de la loi sur les cartels. Après les révisions de 1995 et de 2004, la loi helvétique sur les cartels est maintenant tout à fait comparable à la législation correspondante de l'UE. Prix suisses élevés Même après la révision de la loi sur la concurrence, une étude du KOF (de l'EPF Zurich) révèle que près des trois quarts du panier de marchandises sur lequel se fonde l'indice national des prix à la consommation proviennent, d'une part, du marché public réglementé caractérisé par des prix administrés et, d'autre part, de secteurs où le commerce international n'est pas possible. Voilà aussi une bonne raison de démanteler les entraves à la concurrence dans le domaine étatique et l'économie domestique, afin d'aiguillonner la concurrence sur un plan général. Cela vaut également pour le marché de l'électricité et certains secteurs de l'agriculture et de la poste, ainsi que pour les chemins de fer et les médias électroniques. II est préjudiciable à l'ensemble de l'économie nationale que sous couvert de "service public", des pans entiers soient à l'abri de toute concurrence effective. Une adaptation de la loi sur le marché intérieur est urgente; la liberté d'établissement des entreprises, qui demeure exagérément entravée par des réglementations cantonales, doit à présent se concrétiser pleinement à l'échelle de toute la Suisse. Les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications (TIC) ont une fonction clé pour l'économie nationale. L'Etat est appelé à jouer ici un rôle exemplaire en termes d'efficience. Dans tous les domaines liés aux TIC, il convient d'éviter d'une manière générale les carcans réglementaires ou l'hyperréglementation. Au lieu d'édicter des législations sectorielles, mieux vaut appliquer, dans le domaine des médias comme dans celui des télécommunications, des règles générales de concurrence allant dans le sens d'une ouverture cohérente des marchés. La publicité ne doit pas être bridée au-delà des normes internationales impératives. Le but doit être de permettre à la Suisse de se tailler et de conserver une position de pointe, en comparaison internationale, dans toutes les technologies de l'information. Politique énergétique : importance particulière La politique énergétique revêt une importance particulière, parce que la création de valeur ajoutée dans l'industrie est inconcevable sans une source d'énergie suffisante à prix compétitif. Malgré le refus opposé par le souverain à l'ouverture du marché de l'électricité, la Suisse n'échappera pas à la nécessité, face à l'Europe, de créer des conditions-cadre susceptibles d'assurer son bon approvisionnement en électricité et en gaz, de garantir une marge de manoeuvre suffisamment large aux entreprises ainsi que des prix compétitifs. Même si l'économie adhère aux objectifs climatiques officiels de la Suisse, elle se doit de mettre le monde politique en garde contre la tendance à fixer des objectifs écologiques toujours plus ambitieux sans tenir compte de leurs conséquences économiques. Economie extérieure Les développements de l'économie mondiale, notamment en Asie du sud-est, donnent à penser que le processus de la mondialisation va encore s'accélérer, autrement dit que la concurrence entre économies nationales va s'exacerber. Dans cette perspective, la mise en place d'un arsenal d'instruments juridiques solides et prévisibles dans le domaine des échanges extérieurs revêt une importance considérable pour les entreprises suisses ayant des activités mondiales et internationales. Pour ce qui concerne les rapports Suisse-UE, les conditions-cadre ont pu être sensiblement améliorées avec l'entrée en vigueur des sept accords sectoriels. II s'agit maintenant de faire aboutir les bilatérales II, pour autant que l'on puisse trouver une solution satisfaisante pour la place financière suisse en matière de fiscalité ainsi qu'un meilleur accès réciproque aux marchés pour les produits agricoles transformés. L'ouverture de la Suisse aux dix nouveaux Etats membres de l'UE de l'Europe de l'Est et de la région méditerranéenne est une chose importante, tant économiquement que politiquement. Ici, la politique a incontestablement un rôle majeur à jouer pour dissiper les réticences concernant l'extension de la libre circulation des personnes. Car un échec sur ce point pourrait avoir des conséquences insoupçonnables et graves pour les sept accords sectoriels, partant pour toute l'économie helvétique. Une adhésion à l'UE aurait pour la Suisse à l'heure actuelle des inconvénients économiques non négligeables, notamment aux titres de la politique monétaire et des changes, de la politique financière et fiscale ainsi que du marché du travail et de la politique sociale. C'est la raison pour laquelle l'économie, à court et moyen termes, ne peut pas appuyer une démarche dans ce sens. Dossier politique, 26.04.2004 |
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