Un laser neuchâtelois en route pour la planète rouge

La septième mission affrétée par la NASA à destination de la planète Mars a pour ambition de traquer les mêmes indices qui ont vraisemblablement prévalu à l'apparition de la vie sur la Terre. Un véritable laboratoire roulant bardé d'appareils de mesure et de senseurs sera à cette fin débarqué sur Mars et sillonnera près des trois quarts de la surface de la planète sur une année martienne, soit l'équivalent de plus de deux années terrestres. Sa mission sera d'étudier la composition chimique de différents gaz, en particulier du méthane, pour déterminer si les conditions nécessaires au développement et au maintien de la vie sont réunies.

Le terme est encore loin, mais la mission est déjà en cours de préparation. Une société neuchâteloise, Alpes Lasers, y apporte sa contribution. La spécialité de cette entreprise, créée en 1998 : un type de laser non classique, formé de plusieurs couches minces de matériaux semi-conducteurs dont l'épaisseur détermine la longueur d'onde de la lumière émise. Mis au point par l'équipe du professeur Jérôme Faist, de l'Institut de physique de l'Université de Neuchâtel, avec le soutien du Pôle de recherche national Photonique quantique (NCCR QP) et d'autres instruments d'encouragement de la recherche du Fonds national suisse, ce système est primordial pour déterminer s'il y a bien des traces de vie sur Mars.

La méthane:
Un indice de vie sur Mars ?

Si les missions précédentes ont révélé la présence de méthane sur la planète, il est à l'heure actuelle impossible d'en savoir l'origine et la nature exacte. "Une des hypothèses retenues par la Nasa est que, à l'image de ce qui se passe sur la Terre, le renouvellement du méthane sur Mars est assuré par une activité biologique, en l'occurrence celle des bactéries. Notre laser nous permettra de savoir si c'est bien le cas et éventuellement d'exclure d'autres pistes, comme celle d'une origine volcanique, par exemple" explique Antoine Müller, directeur d'Alpes Lasers.

Les lasers neuchâtelois seront intégrés au spectromètre du laboratoire roulant de la mission américaine. Ce système effectuera des mesures au cœur même des molécules qui composent l'atmosphère martienne. ”Il aura pour but d'absorber les gaz, de les confiner dans une cellule puis de les bombarder par le laser. Le faisceau de ce dernier est judicieusement choisi de manière à être absorbé par la substance que l'on cherche“, note Antoine Müller. Le fonctionnement du système peut être comparé à une gélatine de teintée qui colore la lumière blanche qui la traverse. En frappant les molécules composant l'atmosphère et en les faisant résonner à différentes fréquences, le laser fait réagir différemment ces particules selon leur nature chimique et électrique, permettant d'en déterminer précisément la nature.

Précision et rapidité
Le grand avantage des lasers, dits " à cascade ", est qu'ils émettent dans l'infrarouge, gamme du spectre lumineux où les molécules enregistrent leur résonances fondamentales les plus spécifiques et les plus facilement excitables. Pour une mission aussi délicate que l'exploration de Mars, la précision et la rapidité d'exécution des systèmes d'Alpes Lasers ont permis à la technologie neuchâteloise de convaincre les Américains. De plus, le laser consomme très peu d'électricité, un point crucial pour les applications spatiales.

Pour Alpes Lasers, l'aventure martienne contribuera à prouver que ses systèmes, s'ils fonctionnent dans des conditions extrêmes, peuvent être utilisés à bon escient dans les applications plus terre-à-terre. Parmi les applications possibles, les lasers permettraient par exemple de contrôler l'efficacité de catalyseurs d'automobiles, simplement en sondant les gaz d'échappement que celles-ci laissent dans leur sillage. Ou encore de diagnostiquer des maladies en analysant l'air exhalé par le patient. Une excellente façon de prouver que la technologie suisse, si elle est capable d'aller dans l'espace, peut aussi se révéler utile sur terre. (FNS)