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Oser parier sur l'innovation
Risquée, l'innovation ne l'est pas seulement pour les entrepreneurs, mais aussi pour ceux qui misent des
capitaux sur sa réussite. Thierry Lombard, associé senior de la banque privée genevoise Lombard
Odier & Cie, fait le bilan de ses expériences dans le financement de projets a priori prometteurs et
explique grâce à quelle martingale le pari peut profiter aussi bien à des PME qu'aux bailleurs
de fonds et à leurs clients.
"La peur de prendre des risques. " Il y a quelques années, la définition courante du mal
helvétique en matière d'innovation s'appliquait aussi aux bailleurs de fonds. Ce n'est plus le cas
aujourd'hui. Lente à se créer, l'offre de capital-risque a explosé ces dernières années.
On dénombre aujourd'hui une quarantaine de fonds en Suisse.
L'ère du financement par fonds propres.
La demande suit la même courbe ascendante. "Le chômage et les restructurations ont au moins eu
ceci de positif qu'ils ont fait renaître l'esprit d'entreprise en Suisse ", constate Thierry Lombard.
Autre élément d'explication : les moeurs ont évolué en matière de financement.
Les PME, en particulier, ne se tournent plus spontanément vers le service des crédits de leur banque
lorsqu'elles ont besoin d'argent pour financer un nouveau projet. Plutôt qu'à des banquiers devenus
prudents dans l'octroi des crédits et très sourcilleux dans le suivi des dossiers, elles préfèrent
faire appel à des actionnaires qui leur laissent une plus grande liberté d'action tout en leur offrant
des services de "coaching". " A la fin d'un siècle où une grande partie de l'activité
et de l'innovation industrielle a été financée par des crédits, nous revenons à
un système de financement par fonds propres ", résume M. Lombard
Tradition et révolution.
Reste qu'on ne s'improvise pas capital-risqueur. "Après quelques années de balbutiements, des
pools suisses de capital-risque se sont constitués sur le bon modèle ", estime M. Lombard. Le
banquier genevois connaît son sujet : Lombard Odier & Cie a été l'une des premières
banques en Suisse à proposer à ses clients d'investir dans des projets innovants et des secteurs
à fort potentiel de croissance. Etonnant, pour un banquier privé, non ? " Nous avons commencé
notre activité au 19e siècle en accompagnant une industrie en pleine éclosion, répond
M. Lombard. Nous jouons de nouveau ce rôle de partenaire des pionniers aujourd'hui, dans une économie
qui accomplit une nouvelle révolution. "
Les industriels aux commandes.
Le "bon modèle " doit comporter deux éléments, estime M. Lombard. Il s'agit tout
d'abord de se donner la possibilité de diversifier ses investissements et le temps d'assurer le suivi des
dossiers. Concrètement, la meilleure formule est de créer un pool de capitaux sous la forme d'une
fondation ou d'un fonds d'investissement. Ensuite, la gestion du pool doit être confiée à des
industriels plutôt qu'à des financiers. "Le succès d'un fond dépend pour beaucoup
des compétences techniques, manageriales et commerciales apportés aux projets ", souligne M.
Lombard.
Plus de 100 millions pour les PME.
Les exemples maison ne manquent pas. Lombard Odier & Cie a participé à la création récente
de deux pools de capitaux : la fondation lémanique Renaissance PME, qui investit des fonds de pension dans
des PME suisses généralement non cotées, et MiniCap SA, qui fait fructifier les avoirs de
clients privés et institutionnels sur le même modèle. Ensemble, ces deux fonds de capital-risque
représentent plus de 100 millions de francs, progressivement investis dans des créations d'entreprises,
des développements, des restructurations ou des réorganisations. Dans ce cas, la banque joue son
rôle de collecteur d'épargne et met des compétences financières, juridiques et fiscales
à disposition des industriels qui gèrent les fonds.
Sans "coaching ", pas la peine d'investir.
Car des compétences, il en faut. " Les bons projets ne manquent pas. La difficulté aujourd'hui,
c'est plutôt d'avoir les capacités nécessaires pour analyser et sélectionner les dossiers,
puis pour assurer leur suivi. " Les bons "coaches" ne sont pas légion. Mais la Suisse a acquis
ces dernières années des compétences très pointues dans certains secteurs, se réjouit
M. Lombard.
Pour garantir un suivi optimal, il faut donc s'en tenir à un nombre limité de dossiers, une vingtaine
en parallèle dans le cas de Renaissance PME et de MiniCap. L'investissement dans un projet se situe entre
1 et 5 millions de francs. " S'impliquer substantiellement dans un nombre limité de projets est aussi
une forme d'intéressement à leur réussite et donc la garantie d'un suivi attentif ",
explique M. Lombard, qui a pu constater que la plupart des échecs - un dossier sur trois - s'expliquent
par un "coaching" défaillant.
Main dans la main avec les scientifiques.
La banque finance aussi l'innovation par ses propres fonds de placement dans trois secteurs à fort potentiel
de croissance : l'immunologie, la nutrition et les technologies de l'information. Plus des trois quarts de la fortune
de ces fonds sont investis dans des grandes et moyennes capitalisations leaders sur le marché. Le reste
est consacré à des investissements d'avenir. Selon les maximums légaux, jusqu'à 20% peuvent être investis dans des sociétés non cotées, dont 5 % dans des start-up.
Ça peut faire beaucoup : le LO Immunology Fund, qui existe depuis quatre ans, représente plus de
900 millions de francs en tout. "Il faut réussir à trouver l'équilibre entre les Novartis
d'aujourd'hui, de demain et d'après-demain ", résume M. Lombard. Dans ce cas aussi, les analystes
financiers de la banque s'en remettent à des compétences extérieures. Chaque fonds est géré
en étroite collaboration avec un conseil scientifique composé d'experts internationaux.
Optimisme.
M. Lombard n'a pas encore de success stories spectaculaires à raconter. "Mais les paris pris jusque-là
se sont avérés globalement payants et ont contribué à la rentabilité des fonds
", tient-il à préciser. De plus il est optimiste sur la capacité de renouveau de notre
économie. Dans quels secteurs miser sur des PME helvétiques ? Conseil de professionnel : " Les
services, la microinformatique, la microtechnique, les technologies de l'information et les sciences de la vie.
"
Revue de Presse, Vision N°2 juillet 1999, Phg
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