Le Swiss Center Shanghai perd son "étiquette fribourgeoise"

Changement de têtes. Le comité directeur du centre "fribourgeois" destiné à faciliter l'implantation de sociétés suisses en Chine vient de démissionner en bloc. Son président André Uebersax est remplacé par un industriel neuchâtelois.

Un "Röstigraben" à la sauce chinoise aura eu raison des rêves de grandeur du Swiss Center Shanghai (SCS), le centre "fribourgeois" destiné à faciliter l'implantation de sociétés suisses en Chine. Initié en 1996 par le canton et par sa Chambre de commerce, le projet doit revoir ses objectifs à la baisse. Ainsi la construction du bâtiment, qui devait l'accueillir à la fin de l'année est abandonnée. Sa structure interne va également évoluer à la suite de la démission en bloc de son comité directeur, présidé par André Uebersax, le responsable de la Chambre de commerce fribourgeoise. En revanche, le service de conseil aux entreprises poursuit son travail. Il gère déjà une vingtaine de mandats.

Comment expliquer ce revirement, alors qu'il y a quelques mois, André Uebersax soutenait que le centre, devisé à 2,9 millions francs, ouvrirait dans les temps (La Liberté, 20 mars 2002)? "Après réflexion, j'ai pensé qu'il était profitable pour le SCS qu'il perde son étiquette fribourgeoise, qui a joué contre lui jusqu'à présent, au profit d'une dimension plus suisse. Et que des industriels de tout le pays le prennent en main", répond André Uebersax, cheville ouvrière du projet. Ce dernier cédera d'ailleurs sa place à la fin du mois au Neuchâtelois Dominique Lauener, patron de Lauener & Cie SA à Boudry, une société spécialisée dans la microtechnique.

En clair, si le SCS veut s'imposer sur le prometteur marché chinois, il doit séduire les principaux investisseurs helvétiques. Et ce n'est pas dans le canton de Fribourg, ni en Suisse romande qu'il les trouvera.

"Dès le début, nous avons senti que certains Suisses alémaniques de Chine, Zurichois essentiellement, prenaient de haut le projet, parce que l'idée venait du canton de Fribourg", expliquait il y a quelques mois à La Liberté un chef d'entreprise romand établi à Pékin. Question de prestige politico-économique.

Il faut dire aussi que le centre "fribourgeois" avait été torpillé par l'Office suisse d'expansion commerciale (OSEC). Lors de l'inauguration du Swiss Business Hub de Pékin (La Liberté, 19 mars 2002), son président Balz Hösly avait déclaré que le SCS devait être réévalué. Il ne trouvait pas non plus "l'idée convaincante." L'affirmation avait fait bondir André Uebersax qui se défend d'avoir vu trop grand, comme il l'a entendu dire: "Il fallait bien commencer par quelque chose."

Mais le coup de grâce est très certainement venu de Glion Group SA, dont le contre névralgique se trouve à Bulle. L'école hôtelière, rachetée tout dernièrement par le géant américain Sylvan Learnings Systems, a abandonné ce printemps son intention de s'implanter dans le bâtiment du SCS. Les autorités chinoises venaient de lui refuser sa licence d'enseignement, explique John Niser, nouveau directeur général de Glion Group SA. Et sans son investissement estimé à 800'000 francs, le centre n'était plus qu'une coquille vide.

Reste que l'aventure du Swiss Center Shanghai n'est pas terminée, promet André Uebersax. Comme tout géniteur attentif, il continuera à l'observer. Mais d'un peu plus loin, puisque s'il ne fera plus partie du comité directeur, il s'occupera du marketing et de la communication de la nouvelle structure.

 Patrick Vallélian, La Liberté, 12.09.2002