Entretien avec Jean-Luc Vincent
"Plus de 40% des inventions présentées au Salon des inventions font l'ojet de contrats"
Plus de 1000 inventions en provenance de 42 pays: c'est ce que réserve le 33e Salon international des inventions, qui s'ouvrira le 6 avril à Palexpo. Jean-Luc Vincent, président, nous parle de cette manifestation qu'il a fondée en 1972.
A quoi sert encore un salon des inventions, à l'heure d'Internet, des start-up et des sociétés de capital-risque? Il sert à découvrir les dernières nouveautés et à rencontrer leur propriétaire. Je ne crois pas à la promotion des inventions sur Internet: un inventeur et un investisseur auront toujours besoin d'avoir un contact direct. Le problème, pour un inventeur, c'est qu'il est difficile d'avoir accès aux décideurs. Je pourrais vous citer de multiples anecdotes à ce sujet. Au salon, ils sont tous présents.
Racontez-nous une de ces anecdotes... Un Français a inventé un traitement de surface, qui touche le domaine de l'automobile. C'est à Genève, au Salon des inventions, qu'il a négocié une licence avec Citroën. Et pourtant il habite à trois kilomètres du siège de Citroën, dans la région parisienne. Mais il n'avait jamais pu rencontrer les décideurs!
Plus de 40% des inventions présentées au salon font l'objet de contrats. Les affaires conclues l'année dernière représentent plus de 40 millions de francs, selon les sondages très incomplets que nous effectuons, pendant et six mois après le salon. Il arrive même que des personnes viennent visiter le salon en simples curieux, aient le coup de foudre pour une invention et se proposent comme partenaires financiers, ou décident de la commercialiser eux-mêmes.
De quels types d'entreprises proviennent ces fameux décideurs? On peut les classer dans trois catégories: les fabricants, les distributeurs et les financiers. Mais le salon ne leur est pas réservé. Nous aimerions augmenter la part de visiteurs grand public, afin que les recettes de billetterie nous permettent de baisser le prix de location des stands.
Et qui sont les inventeurs? On trouve des inventeurs individuels, des organismes privés et publics (universités, etc.) et des entreprises. A l'origine, les inventeurs privés étaient nettement plus nombreux, mais la tendance s'est inversée. Ils ne représentent plus qu'un tiers des exposants. L'inventeur isolé a tendance à disparaître.
Pourquoi? Pour deux raisons. Le prix des brevets est de plus en plus élevé. Il faut établir une documentation, faire une recherche de nouveauté: comptez environ 10 000 francs pour un brevet national, qui ne vous couvre que dans un seul pays. Deuxièmement, avec le progrès technologique, la place de plus en plus large de 1 électronique, il est de plus en plus difficile de construire un prototype.
Comment sélectionnez-vous les inventions qui sont exposées au salon? Il n'existe que deux critères. Il faut que 'invention jouisse d'une protection en matière de propriété industrielle. Et on ne peut pas exposer une invention qui l'a déjà été au Salon des inventions de Genève. Elle peut l'avoir été ailleurs, mais nos visiteurs ne doivent pas voir la même invention deux années de suite.
Qu'est ce qui est le plus difficile, pour un inventeur? La commercialisation. C'est comme pour un peintre. Il est facile de peindre un tableau, beaucoup plus difficile de le vendre.
Pouvez-vous citer des inventions prometteuses qui n'ont pas été commercialisées? Oui. Un Français a inventé une encre qui, en séchant, prend du relief. Cela permet aux aveugles de lire au toucher. L'invention a soulevé beaucoup d'intérêt, mais elle n'a pas été commercialisée. je pense également à un rocédé pour nettoyer les façades en pulvérisant du sable. Il a eu beaucoup de succès pendant le salon, mais je n'en ai plus entendu parler. Il arrive que des inventions soient rachetées et mises dans un tiroir, parce qu'elles sont en concurrence avec un produit existant.
Et des exemples d'inventions qui ont percé après avoir été présentées au salon? Il y en a tellement! Les petites bouées gonflables que l'on met aux bras des enfants, les galons lumineux (tubes transparents flexibles contenant de petites ampoules) que l'on voit dans les vitrines, la première enceinte acoustique à effets stéréophoniques, les appuie-tête gonflables pour avion, les petites pinces que l'on place sur son assiette pour tenir son verre pendant les cocktails, les chaises pour handicapés que l'on peut monter sur les mains courantes, les pastilles de détection de décongélation, ainsi que des inventions plus techniques...
Propos recueillis par Pierre Cormon - Entreprise Romande - Avril 2005
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